Babordages

Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

Vive la Ve République !

En plus de la dépense publique, le gouvernement veut-il également réduire le débat public ?

Il semblerait que oui. C’est en tout cas ce qu’a confirmé en ce début d’année la Porte-Parole du gouvernement :

Au vu du calendrier parlementaire contraint par les élections cette année, François Hollande a préconisé ce vendredi de « faire avancer les dossiers » par « décrets » ou par « ordonnances », a indiqué la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.

C’est assez contradictoire ceci dit, d’invoquer un moment de débat démocratique, que constituent des élections, pour confisquer de l’autre main le débat public et le droit au Parlement d’exercer son rôle de législateur.

C’est aussi malin en fait. Forcément notre magnifique corps politique sera sur le terrain, pour conquérir ou conserver ses fiefs. Nos chers barons locaux auront donc moins de temps à consacrer à leurs mandats nationaux. Là, normalement, on devrait parler du cumul des mandats, mais ce n’est pas le sujet de ce billet.

On s’étonne de moins en moins de la capacité de cette gauche de droite à renier son histoire et ses engagements, à prendre les gens pour des cons.

Certains cependant au PS s’élèvent violemment contre ce mode de gouvernement :

Sur les questions essentielles de l’emploi et de la lutte contre le chômage, vous annoncez que vous allez recourir à la procédure des ordonnances, c’est-à-dire au dessaisissement du Parlement, renoncer à la confrontation démocratique et au débat serein. Mais votre propre majorité devrait s’insurger contre une telle façon de faire! […] Mais le Parlement n’est pas le seul à être floué. L’est aussi l’ensemble des partenaires sociaux, qui apprennent aujourd’hui qu’il n’y aura ni dialogue, ni concertation. Ce seront les ordonnances, et elles seules, qui feront la politique de l’emploi

– François Hollande, premier secrétaire du PS lors des questions au gouvernement du 8 juin 2005.

François Hollande (qui est maintenant Président comme tu l’auras certainement noté) a donc décidé qu’il faudrait désormais gouverner par ordonnances. Soit. Il parait qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Il parait…

Ceci dit, cette méthode de gouvernement a traditionnellement été favorisée par la droite. Que ce soit de Gaulle en 1960 pour maintenir l’ordre en Algérie (d’où certains sont revenus sains et saufs #joke) ou bien Chirac, bien aidé par De Villepin (83 ordonnances prises en 2005, contre les 102 prises entre 1960 et 1999). Sarkozy quant à lui a ratifié pas moins de 170 ordonnances durant son mandat.

Un président est certes élu pour cinq ans. Sur un programme, hum hum. Mais ce mandat qui lui est confié lui donne-t-il tous les pouvoirs ? Hélas, oui, la Constitution de la Ve république ressemble fortement à une monarchie présidentielle :

  • Le Président de la République peut choisir le Premier ministre et désigne avec lui les membres du gouvernement (article 8)
  • Le Président assume et dirige toutes les politiques, de l’étranger à l’intérieur (Articles 11 et 12)
  • Le Président jouit d’un rôle discrétionnaire dans la politique étrangère (articles 14-15 et 52)
  • Le Chef de l’État a le droit, dans les périodes particulières, de disposer de pouvoirs exceptionnels (articles 16 et 53)
  • L’Assemble Nationale et le Sénat ne peuvent maîtriser l’ordre du jour qu’une fois par mois (articles 34 et 37)

Il fut un autre type de dirigeant qui gouvernait par ordonnances et qui avait autant de pouvoirs. C’était il y a fort fort longtemps, on appelait ça un Roi (J’ai mis une majuscule parce qu’il parait qu’il était d’origine divine, et comme on ne sait jamais…). Mais tu as raison, c’était une époque sombre, une époque qui s’appelait l’Ancien Régime. Une époque durant laquelle il y avait des barons, qui avaient des fiefs. Une époque durant laquelle la démocratie n’existait pas encore.

Parce que tu es un lecteur attentif et intelligent (si ce n’est pas le cas tu peux partir), tu auras certainement remarqué que les termes « barons » et « fiefs » ont été mentionnés sept paragraphes plus haut. #cqfd

Ne jetons pas la pierre à François Hollande, un autre « socialiste » avant lui s’est frotté aux institutions de la Ve, il voulait les faire bouger avant d’être élu, il s’en est très bien accommodé une fois élu. Oui mais ce François-là, il avait au moins imaginé les faire bouger…

Jetons en revanche la pierre à François Hollande pour ces mots, prononcés au Bourget le 22 janvier 2012 :

Présider la République, c’est refuser que tout procède d’un seul homme, d’un seul raisonnement, d’un seul parti, qui risque d’ailleurs de devenir un clan. Présider la République, c’est élargir les droits du Parlement. C’est reconnaître les collectivités locales dans leur liberté. C’est engager un nouvel acte de la décentralisation. C’est promouvoir les partenaires sociaux. C’est reconnaître leur rôle dans la Constitution. C’est faire participer les citoyens aux grands débats qui les concernent, et le premier sera l’avenir de l’énergie en France.

Le 22 janvier 2012, il y a deux ans, un siècle, une éternité…

Je comprends bien que les ordonnances te passent au-dessus ; tu as déjà à commenter l’inversion supposée de la courbe du chômage, les quenelles d’un connard patenté, et la probable mort d’un monsieur qui conduisait des voitures très vite… C’est pourquoi je te laisse la photo qui suit, issue d’un excellent numéro de la revue Ravages.

 

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À propos de LaFranceapeur

Membre du comité central du redimensionnement d'images. Adepte du #goulagpourcertains. Gauchissss invétéré. Borisviantophile. Passe parfois sur #DPDA et parfois sur la Comète. #photononcontractuelle

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Un avis “Vive la Ve République !

  1. Blubman

    Belle analyse, qui en dit long sur l’hyperpresendentialisation née du quinquennat et de la synchronisation du calendrier électoral de l’exécutif et du législatif. Sachant que sa gestation était déjà dans la constitution…

    Mais le plus intéressant est que ce gouvernement par ordonnance se place dans un contexte de sûreté législative. Avec une assemblée de majorité présidentielle, il n’y a potentiellement pas de risque de voir une loi éjectée par le débat parlementaire. Je pense qu’au delà de l’argument sur le temps passé des barons pour le renouvellement de leur mandat local, il y a une tendance de fond bien plus cynique.

    En fait c’est très rationnel. Le parti présidentiel « imposant » le vote des lois à ses représentants dans le sens de l’exécutif, il n’y a plus d’enjeu au débat démocratique. Connaissant de plus l’apétance de l’opposition pour le blocage parlementaire idiot, est-il finalement vraiment efficace d’en passer par le débat parlementaire ? Si le début et la fin sont déjà écrit et que les deux camps vont dépenser énormément d’énergie, autant passer sur cette phase inutile et se concentrer sur ce qui compte, le renouvellement du mandat.

    Bref, tout le monde y gagne, sauf le citoyen. Et encore, finalement les décisions sont prises plus rapidement. Et posons nous la question : ordonnance ou pas, les citoyens ont-il encore leur mot à dire entre deux élections législato-présidentielles ?

    Répondre

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