Va comprendre
Je n’ai aucune mémoire des blagues. Alors les rares que je connaisse ont forcément une importance pour moi.
Je vais donc te raconter une de ces blagues. Il s’agit d’un classique, du moins aux USA. Elle est citée partout. Il en existe des variantes infinies.
Selon certains, elle ne vaudrait pas mieux que notre « Comment vas-tu yau de poêle ? Pas mal et toile à matelas ? » national. On la retrouve à ce titre dans des classements des pires blagues, à mon grand désarroi.
Mais je proteste énergiquement.
Pas que je m’attende à ce que tu la trouves amusante. Je vais même peut-être définitivement me griller à tes yeux en la citant, mais je suis un peu un cascadeur de la blogosphère.
À ma décharge, je crois que cette blague m’accompagne depuis ma plus tendre enfance. Peut-être est-ce mon père qui me l’a racontée en rigolant (il riait à toutes ses blagues). Et quand je me suis mis à la recherche de ses origines (on n’est pas des branleurs chez Babordages !), j’ai (re)découvert qu’elle faisait l’objet d’un sketch mythique de Ernie and Bert sur Sesame Street (la version américaine, pilier de mon enfance). Au passage, je suis certain que Sesame Street n’est pas étranger à ma bien-pensance gauchiste, mais ce n’est pas le propos.
Cette blague n’est peut-être donc qu’une vulgaire madeleine. (Encore que je l’ai récemment racontée à quelqu’un qui fut prise d’un fou rire, ce qui m’a bien fait plaisir. Nous sommes donc au moins trois à la trouver drôle).
Mais peu importe après tout. Je me lance, et advienne que pourra. D’autant plus que plus je te fais attendre avec du remplissage insipide, plus la blague ne sera pas à la hauteur des attentes qui l’auront fatalement précédée.
Mais pour me faire pardonner, puisque je t’ai déjà fait perdre ton temps à lire cette interminable introduction, j’ai réduit la blague à deux lignes de dialogue, pour n’en conserver que la substantifique moelle.
Je te cite d’abord la version en anglais, puis j’essaierai de la traduire. Si tu ne la trouves pas drôle, on dira que c’est que la traduction est pourrie, d’accord ?
THE JOKE
– Hey buddy, you’ve got a banana in your ear !
– I’m sorry, I can’t hear you, I have a banana in my ear.
LA BLAGUE
– Eh, l’ami, tu as une banane dans l’oreille !
– Désolé, je ne t’entends pas, j’ai une banane dans l’oreille.
Voilà.
Tu as ri ? Non ? Ce n’est pas grave. Je ne t’en veux pas. Il ne faut surtout jamais essayer d’expliquer ou déconstruire l’humour.
Toujours est-il, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai pondu ce billet (qu’avec un peu plus d’effort j’aurais sans doute pu réduire à un Tweet—on n’est pas des branleurs chez Babordages, mais on est un peu des fainéants, ça je te l’accorde, et pisser de la ligne, c’est autrement plus facile que de substantifier la moelle, tu peux me croire !), toujours est-il, donc, que depuis quelque temps, quand de bon matin (je suis un lève-tôt), je lis mon fil RSS, j’écoute la radio, je consulte ma timeline sur Twitter et j’y découvre médusé le cours des événements, le décalage entre les paroles et les actes, les décisions suicidaires, les calculs débiles, les comportements prédateurs, les raisonnements alambiqués censés justifier une chose et son contraire, les conflits d’intérêt, l’évacuation systématique des liens de causalité entre les phénomènes, choses que ne semblent d’ailleurs jamais relever les éditocrates des matinales radiophoniques pour ne citer qu’eux, eh bien figure-toi qu’une petite voix se met à réciter cette blague dans ma tête, comme un mantra, le rire un peu dément de mon père ou le fou rire de mon amie en moins.
Va comprendre.
Mots-clés : LeFeuilleton
Ben moi, j’suis 2 fois + fort que toi !
Oui, puisque j’ai réussi à retenir 2 blagues-mantras qui reviennent me faire rigoler ou me faire hausser les épaules, selon circonstances…
Alors préparez-vous à tester votre humeur circonstancielle soit à rigoler 2 fois plus, soit à hausser les épaules 2 fois plus que pour la blague banane-oreille :
1 – la blague meuble: « Si t’es gai ris donc ! »
2 – la blague matheuse: « Zéro+zéro = la tête à Toto », celle-là avec dessin à l’appui pour les Zeuss qu’ont les escourgues ensablées ou banane à l’oreille!
Note : au moins je vous les ai faites courtes, faciles à retenir…
Désolé, je ne t’entends pas, j’ai une banane dans l’oreille.
Moi j’ai bien ri. Mais bon, je suis blonde et bon public.
J’arrive pas à lire, j’ai une banane dans l’œil.
Tout ceci me fait penser un peu à la petite annonce de Pierre Dac dans l’Os à Moelle, je cite de mémoire : « Dame cherche nourrice aveugle pour garder enfant qui braille ».
Quelle banane !