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Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

Réalité ou fiction ?

Publié le par dans avec 19 avis

L’autre jour, je tweetais ça :

Je fus immédiatement rappelé à l’ordre par la #MiliceMatérialiste.

Non pas que je fus coupable de la moindre pensée magique.

Mais franchement, je m’interroge.

Lis un journal ou écoute un homme politique ou un éditocrate ou un économiste « sérieux », « mainstream », peu importe qu’il soit de droite ou de « gauche » du moment qu’il soit TINA-compatible.

Et là, tu es frappé par le fait que quelle que soit la cohérence de son propos, ce dernier s’appuie sur des tas de conneries avérées :

  • La croissance va revenir.
  • La croissance est soutenable.
  • Les entreprises créent des emplois.
  • La finalité des entreprises est aussi de créer des emplois.

La liste est longue, voire infinie.

Et les relations de cause à effet n’ont aucune espèce d’importance :

  • L’austérité est nécessaire pour nous sortir de la merde dans laquelle nous plonge l’austérité.
  • Lémarché nous prêtent de l’argent plus cher parce qu’on s’est endettés pour sauver lémarché.
  • Les riches se sont enrichis et le nombre de milliardaires augmente. SANS TRANSITION, les inégalités et la pauvreté augmentent.

Personne pour enfoncer les portes ouvertes.

T’as 100 balles à partager entre 100 personnes. Si y’en a une qui truste 50 balles, les 99 autres doivent se partager les 50 balles restantes.

Ben oui.

L’argent n’est donc par définition jamais là où on en a besoin, c’est à dire chez ceux qui n’en ont pas, et qui ont peut-être faim, ou qui ont peut-être une idée de génie qui pourrait améliorer le sort de tous.

Ben oui. C’est même la base du système.

Ils vont donc en emprunter à M. 50 balles, qui prêtera en fonction de ses chances de récupérer sa mise avec intérêts, et qui se faisant s’enrichira, de sorte à concentrer encore davantage la richesse dans ses poches (et cerise sur le gâteau, si M. 50 balles est une banque, il ne doit même pas prêter son propre fric. Il est le seul à avoir le droit de créer de l’argent ex nihilo pour le prêter. Génial, non ?)

Ou pour revenir aux entreprises et à l’emploi, dans quel manuel d’économie tu as vu qu’une entreprise avait pour vocation de créer des emplois (sachant que par ailleurs, les entreprises ne créent pas l’emploi) ? Elle en crée si elle a besoin de compétences en interne (sinon, mieux vaut sous-traiter, si possible au Bangladesh) et puisque c’est un risque financier (faut payer les gens même quand y’a pas d’argent qui rentre dans les caisses), elles ne le font que lorsque le risque est limité, ou qu’elles ne peuvent pas faire autrement, et notamment lorsque les tâches concernées ne peuvent pas être confiées à des machines (ouais, désolé, les entreprises, elles ne sont pas trop marxistes en général).

Oui mais non. On s’en fout. Dès lors que dans tous les discours officiels, toutes ces considérations sont ignorées, escamotées, pour des raisons dont on pourrait débattre à l’infini (bêtise, naïveté, ignorance, nihilisme, cupidité, cynisme, etc.), c’est de la branlette intellectuelle que de se demander si c’est « vrai » ou pas.

Donc M. Machin vient à la télé. Il raconte un tissu de conneries (auxquelles il croit ou pas. Ça, impossible de le savoir sans être dans sa tête). Le journaliste qui l’interroge peut-il vraiment demander en direct à un ministre ou un capitaine d’industrie ou autre économiste, « nan mais sérieux, tu y crois aux conneries manifestes que tu déblatères ? »

C’est difficile. J’ai vu ça aux zuéssas sous Reagan et Bush et Bush. Tu ne demandes pas à un Président du monde libre s’il y avait des space-cake pour le dessert de midi après l’omelette à la psylocibine quand il te raconte des trucs ahurissants de bêtise ou d’obscurantisme.

Donc le simple fait de laisser l’invité sortir ses conneries sans le contrarier entérine son propos, ce que les idéologues de l’administration Bush ont d’ailleurs fini par théoriser et instrumentaliser à merveille. Il y a la reality-based community, que l’on peut gentiment ignorer, puis la réalité que l’on forge pour servir ses desseins.

Donc voilà. Il existe peut-être bien une réalité objective, appelons-la la réalité, dans laquelle se fracasser le petit orteil sur le pied de la table basse en fonte du salon fait un putain de mal de chien, dans laquelle la terre n’est pas plate, dieu est aux abonnés absents, la nature ploie sous les assauts de l’homme, les algorithmes mènent la danse, la finance se joue des lois provinciales des États, la sphère politique n’a plus le désir et/ou le pouvoir d’œuvrer pour l’intérêt général, et la survie même de l’espèce serait en danger, mais à partir du moment où cette réalité ne pénètre pas les esprits (gorgés de pub et de publi-reportages), et que la société s’articule autour de toute une série de pures fictions, je finis tout simplement par me demander si la réalité objective et matérielle fait du bruit si personne n’est là pour entendre ses râles agonisants.

 
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À propos de sknob

Franglophone songwriter, cartoonist, translator, geek, #ronchonchon. VieuxSage, déjà blogueur au XXe siècle, je ne supporte ni l'injustice, ni la mauvaise foi, ni les gens qui réfléchissent avec le cerveau d’autrui, ni les betteraves. En revanche, j'ai un peu le melon depuis que j'ai publié un billet sur le blog de Paul Jorion. Mes camarades m'ont à l'œil.

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19 avis sur “Réalité ou fiction ?

  1. Clyde Barrow

    La propagande du TINA est le truc qui ressemble le plus à du catéchisme. Impossible de contredire, puisque TINA.

    Et l’hystérie à laquelle on se heurte quand on essaie de dire qu’il y a d’autres solutions ressemble aussi à l’hystérie des croyants d’une religion quand on met en cause leur dogmes. Si on contredit on est un mécréant, un communiste (100 millions de morts, toussa)…

    D’ailleurs, il est facile de s’apercevoir que tous ces champions du marché sont souvent des « croyants » qui n’ont rien compris aux mécanismes. Il suffit de leur demander ce que sont, par exemple, des réserves fractionnaires, ou simplement comment marche la création monétaire. Je vous parie que moins de 1 sur 10 saura vous répondre.

    Du coup il faudrait que tous ces adeptes du marché se frottent un peu à la réalité, la vraie, celle des fins de mois difficiles. Parce que selon eux , c’est nous qui ne sommes pas dans le réel (celui des nantis je suppose).

    Bref, il y a du boulot pour en finir avec TINA.

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    • sknob Auteur

      On est clairement dans le domaine du religieux (mais à mon avis, pas à tous les niveaux de l’édifice).

      On va nous taxer de populisme grossier, mais tout comme les jeunes diplômés qui s’enquillent des stages en entreprise, serait-ce si déplacé d’obliger ceux qui aspirent à nous gouverner de suivre un stage de réalité ? Ne soyons pas trop exigeants : vivre 1 ou 2 mois avec le salaire médian en banlieue en étant forcé d’emprunter les transports en commun (pour les circonscriptions urbaines) ?

      #jplq

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    • caro_jer

      Il existe bien une réalité (ou science) expérimentale de TINA…

      (Lordon): « …mais le vrai mystère dans toute cette affaire réside bien dans le fait même de politiques entretenues depuis si longtemps alors que leur inefficacité est si continûment avérée (..) »

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  2. Socialisme critique

    C’est en tant que chef de file incontesté – et incontestable, quoiqu’en disent les malpensants – de la #TeamMatérialiste, que je me dois de commenter ce billet.

    Je tiens avant tout à préciser que j’en ai fort bien compris le but de ce billet: démontrer que le discours économique dominant est mensonger. C’est ce que je vais essayer d’appuyer ici, avec une perspective de théorie marxienne qui ne plaira pas forcément à tout le monde.

    Le postulat matérialiste de base, c’est que la réalité objective est la donnée première, et que l’esprit humain est la donnée seconde. Partant de là, les choses existent indépendamment de notre volonté et de la représentation que nous nous en faisons. Il en est de même pour la société dans laquelle nous vivons: notre être social est indépendant de notre conscience sociale, ainsi l’idée que nous nous faisons de la société est différente du fonctionnement de celle-ci. C’est là qu’intervient la question de l’idéologie, au sens marxiste du terme.

    Pour reprendre les termes d’Althusser, l’idéologie, c’est « le rapport imaginaire des individus à leurs conditions réelles d’existence ». Imaginaire: le mot est lâché. L’idéologie, c’est un voile dressé entre la réalité des rapports de production et la conscience humaine, un voile qui nous enveloppe, nous domine, mais est pétri de contradictions parfois difficiles à dissimuler, mais auquel nombreux sont ceux qui s’accrochent, car il constitue leur seule certitude.

    Les entreprises n’existent pas pour créer des emplois, elles existent pour dégager de la plus-value au bénéfice des entrepreneurs (profit d’entreprise) ou des capitalistes financiers (intérêts). C’est évident, c’est visible, c’est vérifiable, c’est quantifiable, et avant tout: c’est logique. Mais parvenir à cette conscience nécessite un travail de remise en cause complet de la vision que nous avons du mode de production actuel. C’est complexe, difficile, et violent, violent mentalement, voire physiquement. Voilà pourquoi TINA continue de s’auto-perpétuer, reflet grotesque et déformé des rapports de production contemporains, de cette phase nouvelle du capitalisme post-CME (dire « néolibéral » ou « mondialisé » n’a aucun sens, car le capitalisme a toujours présenté ces deux caractéristiques). Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le TINA est produit par les circonstances actuelles. Ce n’est pas un mensonge des dominants, c’est leur façon d’appréhender une réalité qui les arrange tellement. Pourquoi, dans ces conditions, iraient-ils réfléchir plus avant, même si les exceptions existent? Et, par transmission, cette frange de l’idéologie se transmet, se répand dans l’ensemble des classes…

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  3. juan

    J’étais quasiment en accord, ligne après ligne, point après point (tiens, par exemple: 3 sur 4 sur ta première liste; et le désaccord est modeste: je pense que les entreprises créent effectivement des emplois, même si elles en détruisent). Bref, j’étais plutôt content, et puis il y a à la fin, un tweet.

    Le mien.

    Crébondiou.

    Je comprends qu’il illustre tout le reste d’avant. Si c’est le cas, je vais te le préciser: je dis juste que la confrontation au réel est ce qu’il y a de plus dur, de plus violent, de plus défiant. ça serait dommage qu’on se quitte sur un malentendu.

    Bonne nuit.

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    • sknob Auteur

      @Juan Pour les entreprises et l’emploi, lire l’article magistral de Lordon (linké dans le billet).

      Sinon, tu sais, j’ai plus une âme d’artiste que de militant politique. Je n’ai pas pensé à toi lors de la rédaction du billet. J’avais favé ton tweet pour son côté Dada, ou humour absurde à la Pierre Dac. Bref, il me fait rigoler, c’est tout, et en fin de compte, quoi de plus précieux dans ce désert de larmes que la rigolance ?

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  4. Johnathan R. Razorback

     » Je finis tout simplement par me demander si la réalité objective et matérielle fait du bruit si personne n’est là pour entendre ses râles agonisants. »

    Un grand thème du non moins grand Orwell, dans 1984.

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