Babordages

Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

Quand seront partis tous les écœurés, il ne restera plus que les écœurants

Paul a bientôt quarante ans.

Il est né dans la seconde moitié des années soixante-dix.

Parents agriculteurs, catholiques, socialistes.

À la maison, on lit Témoignage Chrétien.

Il se souvient de 1981. Les larmes dans les yeux de son père. Qu’on aurait bien débouché le champagne, mais que pour ça, il aurait fallu avoir les moyens de s’en payer, du champagne.

Enfant, Paul fréquentera les diverses émanations des Jeunesses Agricoles Chrétiennes.

Le sport l’emmerde assez rapidement, il lui préfèrera toujours les livres, la musique et la politique.

La politique, il s’y lance, concrètement, à 20 piges, en adhérant au MJS. Chirac vient de se tirer une balle dans le pied en dissolvant l’Assemblée Nationale. La Gauche Plurielle est porteuse d’espoir, socialistes, écologistes et communistes travaillent main dans la main.

Bien sûr, Paul aura des désillusions, mais les 35 heures, la CMU, la baisse d’un point de la TVA, la loi SRU sont des acquis non négligeables.

Paul est la jeunesse qui se bat et pour laquelle il faut se battre.

L’avenir.

Il diffuse des tracts sur les marchés.

Il colle des affiches.

Il passe son temps libre entre les Assemblées Générales, les congrès, les réunions de section.

Il rédige ses premières motions, ses premiers amendements.

Le 5 mai 2002, le ventre noué, il ira voter Chirac.

Mais la lutte continue.

De manifestations en tractages, de réunions en élections locales, il ne faut pas baisser les bras.

Surtout pas.

Il y croit, il doute souvent.

Quand il ne fait pas tout son possible pour convaincre un ami de ne pas claquer la porte, ce sont ses camarades qui l’empêchent à force de persuasion de déserter à son tour.

Et puis, les engueulades.

Mais la lutte continue.

Surtout qu’en face, ils se frottent les mains, le ministre de l’intérieur a le vent en poupe, il surfe sur une vague copieusement nauséabonde, il pense aux victimes, dit-il.

Ça pue, sévère.

Il faut convaincre, reconquérir.

Le militantisme de terrain est une tâche ô combien ingrate.

La route est pavée de déceptions.

Paul y croit.

Encore.

En 2007, les choses peuvent changer.

Elles le doivent.

Mais cet espoir d’une nouvelle majorité de gauche, d’une femme Présidente de la République, est anéanti.

Dans le parti, l’ambiance est morose. Paul regarde sa carte d’adhérent, la déchirer ? Les envoyer se faire foutre avec leurs querelles intestines ?

C’est compliqué.

Parce que quitter le navire, déserter, après 10 ans… Tout ça pour ça ?

Alors il continue.

Manifestations, tractages, réunions, élections locales, primaires…

15 mai 2012.

Enfin.

Dix ans de droite sans complexe au pouvoir.

Enfin.

Mais voilà… Un an a passé, il a aujourd’hui bien du mal à discerner la différence entre ce gouvernement et celui qui l’a précédé.

Ces gens qui se disent de gauche, pour lesquels il s’est battu, tirent lamentablement sur les mêmes ficelles que ceux contre qui il militait.

Le ministre de l’intérieur n’est que l’exemple le plus représentatif. Entre l’exploitation des faits divers, la légitimation de l’auto-défense, la chasse aux miséreux, il est une copie quasi conforme de celui qui, dix ans auparavant, défendait les peines plancher, la tolérance zéro, le karcher.

Paul ne compte plus les gouttes, le vase a débordé.

Plus de quinze années de militantisme.

Il quitte le parti.

fabu_land

À propos de fabu_land

Rouge et Vert, décoiffé et mal rasé. Daltonien aussi, un peu. Éleveur de Macaque en milieu tempéré. Ne crois ni en Dieu, ni en la Croissance. Ne suis qu'amour, mais faut pas m'emmerder !

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11 avis sur “Quand seront partis tous les écœurés, il ne restera plus que les écœurants

  1. jeanminux

    Et maintenant?
    Je comprends Paul, même si je n’ai pour ma part jamais cru au « socialisme », surtout le « français ». La trahison était patente dès après l’élection de Miterrand. Je m’étonne encore qu’aucun socialiste srupuleux ne se soit élevé dès 1982 contre ce qui était en train de se passer.
    Mais la vraie angoissante question est: et maintenant?
    Maintenant que la gauche – à l’exception peut être de Mélénchon, mais son influence est faible, est morte de sa vilaine mort, quelle forme prendra le contre pouvoir en ces temps de fachisme rampant (l’ump), ou avéré ( le fn)?
    Le PS est mort? Bien fait pour sa gueule, depuis le temps qu’il se tire des balles dans le pied il était inéviatble qu’il crève de gangrène!
    Mais avec quoi Paul va t il, aujourd’hui, s’opposer aux ordures qui veulent sa peau?
    Avec quel instrument politique?
    A défaut de trouver- d’inventer – rapidement une solution, Paul n’aura bientôt plus d’autre choix que de d’abdiquer et devenir un salaud ordinaire…
    Ou de se tirer une balle dans la tête.

    Répondre
  2. Alfred-Georges

    Cher fabu_land,

    Moralité, Paul aurait mieux fait de s’abstenir de militer.

    Après un concert de One Direction, militer est probablement la pire chose qui puisse arriver à un être humain.

    Bien à vous,
    AG

    Répondre
    • fabu_landfabu_land Auteur

      Je ne cache pas que ce sont trois tweets de Jean-Philippe qui ont déclenché l’écriture de ce billet.

      Cependant, s’il y a un peu de lui dans Paul, il y a aussi un peu de moi, de mon histoire familiale, de mes rencontres d’ancien militant syndical étudiant, de mes rencontres d’actuel syndiqué, de fiction…

      Même si nous ne connaissons que via twitter, j’ai beaucoup de d’affection et de respect pour @JPGuedas et je crois qu’il ne me ( nous ) déteste pas non plus.

      J’ai écrit ce texte avant que lui ne publie ce sien. Je m’amuse à y trouver des similitudes, dont certaines sont fortuites.

      Mais vous avez raison, il faut aller le lire.

      Répondre
    • Yahirm

      Quelque chose contre les abstentionnistes ? J’ai voté une fois et blanc (aucun candidat ne portait mes valeurs ou les avait déjà appliqué dans sa vie). Et puis je me suis dit que ça m’emmerdait de me déplacer pour un truc qui n’allait de toutes façons pas avoir d’incidence positive sur moi, mon entourage ou qui que ce soit. Ah si, ceux qui sont déjà en haut, c’est vrai.
      Je préfère faire du militantisme d’une autre manière. En informant, en me renseignant, peut être même un jour (quand j’aurais mon BAC. Là, c’est un peu difficile) par des actions sur le terrain. Mais je refuse de continuer à faire un truc que tout le monde fait, qui n’apporte en réalité aucun bénéfice et qui demande presque autant d’effort que de pisser dans un urinoir.

      Je me sens plus utile de la façon dont je milite, maintenant, qu’en allant élire (oui parce que voter… On ne me demande pas mon avis, on veut juste un Roi) un Président aussi inutile que les précédents.

      Répondre
  3. jean-philippe guedas

    C’est une sensation quelque peu troublante d’être, au moins en partie, le sujet d’un article de blog et surtout de lire des gens qui supputent sur votre avenir politique.
    Je me permets donc quelques précisions.
    Je me suis assez bien reconnu dans le portrait de Paul dressé avec un assez joli brin de plume par Fabuland. C’est bien troussé, saisissant.

    Pour ce qui est des questions sur le fait que je puisse me réfugier dans l’abstention. Dites les gens, l’abstention ce n’est pas mon horizon, pas mon mode d’expression. Je suis toujours et encore un militant. Simplement je ne sais pas aujourd’hui dans quel cadre collectif inscrire ce militantisme. Cela prendra peut être du temps. Je ne ressens pas d’urgence.
    Quand à l’opposition entre voter et éducation populaire. Désolé mais ca me parait une caricature. Le fait de voter n’interdit nullement de faire autre chose. Mon militantisme ne se réduit pas au fait de voter ou de faire voter. J’ai toujours considéré qu’un parti politique est une structure d’éducation populaire ou alors il n’a aucun intérêt.
    Pour le reste, le vieux monde tarde à mourir, le nouveau monde tarde à venir. Il nous reste à hâter l’un et l’autre.

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