Offrande, 1ère partie
Social-démocrate, social-libéral, sociétal-libéral, dictateur bolchévique, personne n’est d’accord.
Toutefois, on doit pouvoir s’entendre sur une chose. Le Président de la République le dit haut et fort : il fait et il assume une « politique de l’offre ».
Je voulais m’arrêter quelques instants sur cette expression et prendre un peu de recul (le fonds de commerce du #LeFeuilleton). Rassure-toi, je ne vais pas te faire un cours d’économie (même si j’ai eu mon Bac « B », au Lycée Français de Bruxelles de surcroît, tout un symbole).
Non, je vais me vautrer dans l’air du temps et te parler de mon nombril. Car si je ne suis pas économiste, je n’en suis pas moins vieux sage et multiculturel, ce qui me permet de puiser paresseusement des anecdotes plaisantes dans mon histoire personnelle pour te conditionner en faisant mine de te divertir.
Bref, il se trouve que lorsque cette expression de « politique de l’offre » a commencé à pointer le bout de son nez dans la bouche des communicants « socialistes », les quelques neurones qui me restent sont subitement sortis de leur léthargie et se sont mis à fouiller comme des dingues dans le système de fichiers de plus en plus poussif qui est hébergé entre mes oreilles, pour finalement me ramener aux années 80, lorsque j’habitais de l’autre côté de l’Atlantique.
Reagan et ses potes avaient un problème. Ils devaient convaincre l’opinion publique que pour relancer l’économie, il fallait baisser massivement les impôts sur les riches, une petite révolution à l’époque. Las, les vilains gauchistes américains (tout étant relatif) avaient réussi depuis la Grande Dépression à affubler cette idée d’un nom assez détestable, « trickle-down economics », communément traduit par « économie du ruissellement ».
Je m’arrête un instant sur cette traduction, car un « trickle » en anglais, dénote un débit vraiment misérable, anémique, à peine supérieur à celui d’un robinet qui goutte. « Ruissellement » ne capture donc pas la nature franchement péjorative de l’expression. Un goutte à goutte, un suintement ou un filet d’eau serait déjà plus précis, même s’il faudrait sans doute mieux changer de métaphore et opter pour « l’économie des miettes ».
Toujours est-il que Ronnie et ses amis ont trouvé la parade marketing parfaite. Une expression positive, conquérante, compacte, qui claque bien avec son allitération : « supply-side economics ». Littéralement « l’économie du côté de l’offre », de soutien de l’offre, quoi.
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Et puis soyons honnêtes : « offre » est un mot qui véhicule des sentiments positifs. Tout le monde aime se faire offrir quelque chose, et c’est encore mieux en anglais, car « supply » est un nom qui signifie également provisions, réserves, ressources, ainsi qu’un verbe qui signifie fournir, ravitailler, approvisionner, alimenter. Ça permet d’oublier un instant que les entreprises et les riches sont les principaux bénéficiaires de toutes ces richesses et largesses.
Donc tu vois, pour moi, avant même que je me pose la question de savoir si la politique économique de Hollande était bolchévique, socialiste, de groite ou de droite, mon vieil ordinateur de bord avait déjà tranché.
Car j’aime autant te dire que le plus pénible quand tu vieillis mûris, ce ne sont pas les rhumatismes ou les neurones fatigués. Non, le plus pénible, et de loin, c’est ce sentiment de déjà vu perpétuel qui s’installe. C’est perdre le fil du nombre de fois que tu as pu observer les gens en train de réinventer le fil à couper l’eau tiède. Je pourrais résumer ça d’un aphorisme qui dirait grosso modo que l’âge se mesure au nombre de revivals du disco ou des pattes d’éph ou des rouflaquettes ou du fluo que l’on a dû subir durant son existence.
Ou en l’occurrence, au nombre de retours sous différentes guises de ce que l’on appelait également à l’époque les « Reaganomics ».
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Mots-clés : économie, Hollande, LeFeuilleton, vocabulaire
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