Babordages

Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

Le libéralisme pour les nuls

Publié le par dans avec 29 avis

Les mots sont importants. La bataille idéologique est avant tout un combat de mots. Quand des mots disparaissent et que d’autres apparaissent, quand un mot désigne son contraire, quand un mot est usé à tort et à travers, c’est la représentation politique qui se modifie peu à peu.

Dans cette bataille sémantique, un des combats, dans le contexte politique français, est la réappropriation de certains mots : « gauche », « socialiste », « progressiste »…

Mais, un autre combat est central : celui de nommer la politique menée par le gouvernement. Et parmi les adjectifs possibles, on en trouve un qui déclenche immédiatement l’ire des plus ou moins partisans de la politique menée : libéral (il est de temps à autre acoquiné d’un « social », mais c’est sans importance).

Bien souvent, lorsque tu qualifies la politique gouvernementale de « libérale », on te saute à la gorge sur le mode c’est nettement moins pire que quand c’était beaucoup plus pire !

S’il y a des degrés, des écoles et des courants dans le libéralisme. Il désigne bien un mode d’action économique qui se base sur une représentation du monde.

Là, je vais faire un peu professeur. Ne pars pas, ça ne va pas faire mal et je vais faire du basico-basique.

Faisons un grand bond en arrière, si je puis me permettre. Le libéralisme comme doctrine économique naît au XVIIIe siècle, pendant la Révolution Industrielle. Adam Smith en est le premier homme. Ses principales thèses sont :

  • La déconnexion entre utilité et valeur : la valeur d’un bien est fonction de la quantité de travail et non de son utilité (ce sera repris par Marx ; tu vois, y’a même du bon chez les libéraux).
  • La spécialisation des économies : chaque pays doit se spécialiser dans les productions dans lesquelles il est le plus performant, chacun maximisant ainsi son efficacité et donc sa productivité. Le libre-échange est une condition sine qua non de la réussite de cette spécialisation. La spécialisation est donc hautement nécessaire pour créer de la richesse. Elle induit un accroissement de la productivité et une baisse des coûts. C’est la COM-PÉ-TI-TI-VI-TÉ.
  • La liberté économique des agents : il faut laisser les agents économiques maximiser leurs profits. En s’enrichissant, ils enrichissent la nation (libérer les énergies quoi ! )

Smith place l’efficacité du marché au-dessus de celle de l’État sauf dans 3 domaines : la défense, la justice et la police et la construction d’infrastructures.

Quelques décennies plus tard, David Ricardo pose sa pierre à l’édifice du libéralisme. Il y a des choses très intéressantes chez Ricardo (notamment sa prévision d’une économie sans croissance). À Smith, il ajoute :

  • Travail, le juste prix : le prix du travail est optimal quand le travailleur gagne suffisamment pour « subsister ». Si tu lui donnes trop, il fait des mioches qui, à terme, augmenteront l’offre de travail et (ô miraculeuse main invisible) feront donc baisser son prix. Si tu ne donnes pas assez, il crève et donc tu fais baisser l’offre.
  • David aime bien Adam, mais il le trouve un peu mou du genou. Il va donc un peu plus loin dans la promotion du libre-échange : il considère que le libre échange et la spécialisation sont TOUJOURS favorables. Même pour les pays moins compétitifs, et que le commerce ne peut pas produire de déséquilibre : si un pays produit trop cher, ses exportations baisseront, faisant baisser ses prix intérieurs. Et hop, ça repart !
  • Il faut limiter l’emprunt et donc la dépense publique, car ils induisent des impôts futurs. L’action de l’État doit se concentrer sur les fonctions régaliennes et le renforcement d’un cadre propice à la concurrence.

Point d’étape. Résumons : le libre-échange est un facteur de développement ; la compétitivité permet d’échanger plus et donc d’enrichir le pays ; il faut libérer les énergies ; l’État doit limiter les dépenses publiques et créer un cadre favorable à la concurrence.

Ça, c’était les « classiques ». Passons maintenant à leurs successeurs : les néoclassiques (oui, je sais c’est chiant, mais nécessaire à ma démonstration).

Le suivant (on ne se les coltine pas tous, t’inquiète pas), c’est Léon.

Léon Walras, c’est le père de l’homo oeconomicus. Une bien belle vision de l’Homme qui consiste à affirmer que chaque agent économique recherche la maximisation de son profit et la minimisation de son risque. Ce faisant, il faut établir un cadre de concurrence « pure et parfaite » (les libéraux sont sans aucun doute des esthètes) et les actions combinées de tous les acteurs tendront à un équilibre général.

Il faut donc encourager la concurrence, par tous les moyens.

Bon, je m’arrête là pour en revenir à notre gouvernement. C’est un survol, que les puristes (ou profs d’éco) me pardonnent.

Reprenons l’action de notre cher gouvernement. Précision de méthode : on ne prendra en compte que les décisions structurantes.

Le libre-échange est un facteur de développement :

Le mandat de la Commission Européenne pour négocier l’accord de libre-échange avec les États-Unis a été donné par le Conseil Européen. François Hollande n’a pas bronché. Il aurait pu exercer son droit de veto. Il ne l’a brandi que lorsque l’exception culturelle a été menacée. Puis, l’a rangé soigneusement dans son veston.

La compétitivité permet d’échanger plus et donc d’enrichir le pays :

C’est le cœur de l’action économique gouvernementale. Le CICE et l’ANI en sont les fers de lance. Hollande lui-même a placé la compétitivité comme second objectif du gouvernement, derrière le désendettement. La logique des reformes menées repose sur deux piliers : flexibiliser le travail pour permettre une meilleure adaptation aux contraintes de la concurrence et faire baisser le coût du travail (oui, tu as remarqué, même les libéraux parlaient de « prix » et non de « coût ». Mais c’était il y a fort longtemps).

Il faut libérer les énergies :

Le choc de simplification participe de cette logique. L’ANI aussi, simplifiant pour les entreprises certaines procédures (notamment de licenciement…).

L’État doit limiter les dépenses publiques et créer un cadre favorable à la concurrence :

Là encore, le marché transatlantique, et plus largement, la politique européenne du Gouvernement vont dans le sens d’une concurrence accrue. Quant aux dépenses publiques, le Gouvernement se targue d’être à l’origine du plus gros effort depuis 30 ans… en pleine récession qui plus est.

Alors, on me rétorquera que telle mesure n’est pas si libérale, ou que c’est d’inspiration libérale, mais pas vraiment libéral parce que les vrais libéraux, ils sont pires, etc., etc.

À ceux-là je répondrai simplement : faites le même exercice avec l’adjectif « socialiste » et on en reparle.

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À propos de Clumsy

Gauchiste plongé en apnée dans un monde de droite. En deuil de la force intrinsèque des idées vraies. J'aime manger des enfants au petit-déjeuner mais avec un couteau entre les dents, c'est pas si pratique.

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29 avis sur “Le libéralisme pour les nuls

  1. Ganlanshu

    Quand on regarde l’évolution du monde, on s’aperçoit que la conversion des partis socio-démocrates aux thèses libérales est général. Cela commence au milieu des années 80 et a explosé dans les années 90. Le PS Français a suivi le mouvement.

    Il faut se souvenir que la social démocratie était fondamentalement un moyen de lutter démocratiquement contre le communisme. L’opposition au communisme était le ciment de ces partis. Dans les années 80, on a vu la menace communiste s’éloigner. Le communisme soviétique s’effondre. En Chine, Deng transforme le PCC en parti néo-libéral. En Amérique latine, les communistes ont été emprisonnés, tués, contraints à l’exil.
    Du coup, la menace ayant disparu, la social démocratie n’avait plus lieu d’être. Les partis socio-démocrates ont donc viré à 180° pour faire leurs de nouveaux principes : la mondialisation, la libéralisation des échanges, la privatisation et la diminution de la dépense publique.

    Ces partis sont animés par une génération diplômée dans les années 70, l’âge d’or des écoles néolibérales dans les universités. Pour eux, le marché est un fondement naturel, comme les équations de Maxwell. Ils n’imaginent tout simplement pas autre chose. Ils croient vraiment que le marché optimise mieux les ressources que l’Etat. C »est de l’ordre de la croyance religieuse. Il faut bien comprendre que pour eux, nous sommes des illuminés, des hérétiques. Comme Copernic ou Galilée.

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    • ClumsyClumsy Auteur

      Toute théorie économique a ses postulats. Le reste des développements découlant de ces derniers, elle a forcément à voir avec la croyance.
      Le problème se situe dans la place qu’elle occupe, soit elle s’assume comme science sociale, soit elle est revendiquée comme une science appliquée voire naturelle, comme c’est généralement le cas aujourd’hui. C’est là que réside le vrai danger.

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  2. politeeks

    « Socialiste » adepte de la socialisation des moyens de production. Je n’en vois plus trop dans l’univers politique français. Certains font semblant en effet, et on va éviter des noms pour ne pas fâcher, par ce qu’ils se cachent partout même au cirque du parlement Européen.

    N’est ce pas ? Donc peux tu me faire 2 A4 sur le sujet « socialiste » et me prévenir à l’heure du café ? merci.

    Et t’as oublié de trucs : les libéraux pensent que le contrat est forcément mieux que la loi, leur rêve est un monde de CGV où la chose contractuelle serait modifiée au gré du vendeur pour son profit. Discute avec eux sur le sujet, ils te le diront le contrat bien écrit protège mieux que la loi . C’est donc un monde de bisounours avec des cow-boys comme chefs. Avec des concepts foireux comme « responsabiliser » les gens donc les pauvres, et les peu-éduqués qui deviennent victimes sous-entendu c’est bien fait pour leur tronche, z’avaient qu’a être riches et comprendre les contrats.

    Je résume un peu hein, mais il est tôt.

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    • ClumsyClumsy Auteur

      Je ne ferai pas l’exercice en commentaire mais peut-être un billet tiens !
      Comme d’hab, tu évites le débat sur le fond (même si j’ai vu quelques évolutions sensibles ces derniers temps). Je ne comprendrais décidément jamais pourquoi tu refuses de reconnaître que le gouvernement mène une politique libérale.
      Et effectivement, tu as raison, j’ai oublié la primauté du contrat sur la loi (et plein d’autres choses, ne visant pas l’exhaustivité). Sur ce sujet, je te conseille une tribune très éclairante de celui qui était encore président du conseil général de Corrèze en 2011 : http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/14/il-faut-avoir-confiance-en-la-democratie-sociale_1535809_3232.html

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  3. politeeks

    Galanshu que viennent faire les équations de Maxwell la dedans ? elle décrivent le monde comme toute la Physique en fait. Et justement in fine montrent que l’ordre spontané de la nature est un vaste bordel .

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  4. Ganlanshu

    Politeeks : Pour Hollande et Copé, (dé)formés dans les mêmes écoles, la loi du marché est aussi naturelle que les équations de la physique. Ils pensent qu’il ne peut pas exister autre chose. Et c’est une posture facile, qui déresponsabilise. Puisque le politique ne peut rien faire, il ne peut pas y avoir d’échec.
    J’ai pris l’exemple des équations de Maxwell, car ce sont les plus belles, les dernières équations de la physique classique. Elles sont linéaires, simples, et ne laissent pas de place au hasard. On croyait jusqu’à la fin du 19ème siècle, que tout l’univers était dans ces quatre équations aux dérivées partielles. Pour les libéraux, le marché c’est comme les équations de Maxwell au 19ème siècle.

    Sur le mot socialiste, les degrés et la nuance existent. Il y a des mous et des durs dans les deux camps. Pour les chicago-boys, une école publique c’est déjà le socialisme, mais je n’ai pas entendu Copé vouloir privatiser l’école.

    Entre « socialiste » au sens où on l’entend et « libéral » la frontière est très nette.
    1. Dépense publique vs dépense privée.
    2. Loi vs contrat sur le modus vivendi social.
    3. Collectivisation vs privatisation des services, industries, terres et biens.
    4. Planification de l’économie vs libre marché.
    5. Redistribution de la richesse vs accumulation.
    Tu remarqueras que le gouvernement actuel est objectivement, par ses actes, à droite sur les 5 critères, et je peux te citer des exemples.
    Le gouvernement Jospin était à gauche sur 1 et 2.
    Les gouvernements de 1936, 1944-1947 et 1981 étaient à gauche sur les cinq critères.

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  5. Bert

    « Gauchiste plongé en apnée dans un monde de droite.  »

    Comment tu fais, pour l’apnée? Moi, j’ai déjà bu la tasse plusieurs fois…Et elle est pas bonne.

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  6. Yumyum

    Je trouve ça un peu (très) réducteur au niveau de l’histoire de la philosophie économique.

    Quand bien même ces hommes ont posé des bases qui forment aujourd’hui le gros du corps néo-libéral il est un certain nombre de nuance à leur pensée à apporter qu’il me semble indispensable.

    Adam Smith écrivait dans le cadre d’une monarchie semi absolue, son but était de montrer que le corps civil, en se défaisant de l’action unique du roi pouvaient sans doute être plus prospères. Je ne suis pas un grand fan du gus de base, mais il me semble que tout n’est pas à jeter d’un point de vue historique tout du moins, l’Etat qu’il décrit est un Etat tyrannique, pas une démocratie, qu’on ai déformé son propos par la suite par excès de zèle et oubli historique volontaire n’a rien à voir avec son intention première.

    Il me semblait que l’avantage comparatif c’était plus Ricardo que Smith, mais je m’étais peut être endormi à ce moment là de mes cours.

    Enfin en ce qui concerne Walras, il est certes le premier de ceux qu’on classe dans les « néoclassiques » – classification qu’il ne me semble pas revendiquer par ailleurs – il a certes théorisé l’homo oeconomicus, mais il a aussi et surtout dis que ce n’était qu’une facette de l’homme dans l’échange, et qu’il y avait d’autres formes de rationalité attenantes à l’espèce humaine, notamment sociologique, culturelle qui changeaient le jeu économique. Son plus grand drame aura d’avoir essayé de « scientificiser » l’économie en la mathématisant -Durkheim fera pareil avec la sociologie par le biais des maths et de la bio- ça a laisser un héritage qu’un certain nombre de penseurs bien libéraux et avec une idée bien claire de ce que devait être la société ont repris et ont magnifié jusqu’à devenir la pensée néo-libérale.

    Il me semble par ailleurs qu’un mec qui pense qu’il faut nationaliser toutes les terres parce qu’elles n’appartiennent à personne et aussi tous les secteurs qui formeraient des monopoles naturels, et qui écrit un manifeste politique à visée socialisante ne puisse pas impunément être qualifié de libéral.

    Voilà, première fois que je commente sur babordages, j’aime bien vos idées mais comme souvent je trouve qu’elles pèchent par excès ou simplification, et là pour le coup ça m’a marqué.

    Continuez quand même le boulot, vous êtes une fabuleuse usine à idées.

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    • ClumsyClumsy Auteur

      Bon, bon, bon. Je me doutais qu’un tel commentaire surviendrait, malgré les précautions rhétorique. Et je t’en remercie (pour la dernière phrase et les encouragements mais pas que).
      Évidemment, ce billet est réducteur. Trop ? Peut-être. Mon but n’est pas ici de donner à voir les nuances du libéralisme, ni de rendre compte de la complexité des auteurs cités et de ce qu’il y a d’intéressant dans leur travaux. Marx doit beaucoup à Smith. Walras défendait ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie sociale et solidaire et serait probablement classé aujourd’hui dans la case « affreux gauchiste ». Ricardo avait déjà touché du doigt les limites de la mondialisation libérale. Etc, etc.
      J’ai essayé de tirer des grandes lignes du plus petit dénominateur commun de ce qu’on appelle aujourd’hui « libéralisme ». Force est de constater que ces penseurs, même et surtout Walras, ont laissé derrière eux les bases idéologiques qui construisent aujourd’hui encore la pensée libérale et justifient les politiques menées. Dire que Ricardo, Smith et, plus encore Walras, seraient effondrés de voir l’application de leurs travaux est juste mais ne nous apporte que peu de choses politiquement.

      Ce billet ne traite pas de philosophie économique. Je n’ai pas cette prétention (je n’en ai d’ailleurs pas d’autre que de mettre des analyses en discussion). Ce billet cherche à poser la question de ce qu’on peut nommer « libéral ». Du sens des mots. J’ai donc pris le prisme de ce que les économiste orthodoxe (et ultra-dominants) ont gardé de ces économistes (ce sont effectivement eux qui classent Walras dans les néoclassiques).

      Quant à la simplification en règle générale, elle est l’apanage du format, du temps que nous pouvons y consacrer aussi et de notre objectif : partager des idées, des débats, des coups de gueules avec le plus grand nombre.

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    • MICHEL GUENOT

      tout ceci me parait très intellectuel pour les citoyens lamda, le libéralisme pour une liberté tout azimut avec peu d’intervention d’état, l’emporta pour le misérabiliste de masse qui glissa vers le néolibéralisme favorisant les élites, leurs philosophies ne pouvaient que s’y installer, à moins d’étre crédule …

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  7. politeeks

    Ah ok je comprend le pourquoi de l’image des équations de maxwell . Ca me rappelle mes études à la con ;o)

    Il est vrai que le libéral aime la simplicité, du moment que ça tombe dans sa poche. A ceux là il faut leur rappeler ce que Thucydide disait : être libre ou tranquille il faut choisir.

    Et désolé monsieur Galanshu, nous ne sommes pas de la même gauche, mais cela n’est pas grave : Pour moi la gauche ne doit pas collectiviser tout, ni tout redistribuer. Sinon dans ce cas, je reste chez moi à rien faire plutôt de que de me casser le cul pour rien (et je ne serai pas le seul) ou au profit de bons à rien qui ne feront aucun effort (mot odieux pour les gauchistes, mais dans la nature humaine) : avez vous déjà travaillé avec des cons ? moi oui.. ainsi que pour des voleurs payés plus cher. Les deux étant tout aussi nuisible d’un point de vue personnel.

    Tout est dans des degrés divers et variés, l’initiative privée n’est pas néfaste , tout comme la chose collective n’est pas nuisible surtout face aux monopoles du marché ou aux excès de celui-ci dans de nombreux domaines (finance par exemple) ou aux manques ( R&D par exemple). Même le concurrence ne l’est pas forcément. Tout est question de curseur, de régulation et d’ajustements . On va même devoir penser à « planifier » les choses, vu le climat qui se modifie soit à cause de l’homme et/ou du soleil.

    La loi régule les choses, et définit les cadres des contrats par exemple, et ce dans une économie de marché où en principe n’importe qui peut se lever le matin et avoir une idée et essayer de la mettre en oeuvre… du moment que cela respecte le droit. On peut donc avoir une économie de marché et des banques mise au pas, des traders en ré-éducation dès qu’ils foirent.

    Quand à la spécialisation des économies : elle est de moins en moins évidente , les salaires de la chine côtière rattrapent les salaires US/UE . Certains manufacturiers US relocalisent des productions soit aux USA soit Mexique. D’ici 10 ans beaucoup de chose auront changé.

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    • ClumsyClumsy Auteur

      J’apporterais un petit bémol sur la fin. La spécialisation des économies est une conséquence du libre-échange. Prenons l’exemple du Mexique. En 1994, il signe un accord de libre-échange avec les USA et le Canada (ALENA). Qu’en a tiré le Mexique ? Le développement d’un secteur manufacturiers à faible valeur ajoutée (les fameuses maquiladoras). La perte de près de 1,5 millions d’emplois dans le secteur agricole et avec cela la perte de à souveraineté alimentaire (regarde l’évolution des importations de maïs sur 20 an, c’est impressionnant). La baisse de 0,2% des salaires chaque année… Le Bangladesh et le secteur textile sont un autre exemple. Bref, nous n’en sommes pas sortis….

      Enfin, sur la relocalisation, je serai beaucoup moins optimiste. Il y a, ce que note Galanshu, une course vers des pays plus compétitifs. Mais surtout, et je pense que ce serait une erreur que de l’ignorer, un phénomène de balancier au niveau mondial. La drogue de notre système, c’est la production à bas coût, la compétitivité. Si on veut bien regarder honnêtement la situation des pays « développés », que constate t-on ? Au nom de la compétitivité, nous détruisons les protections sociales, faisons baisser les salaires, etc. La Grèce est un cas d’école. Jusqu’où devra t-on baisser le salaire minimum grec pour que les entreprises s’implantent en Grèce pour produire à bas coût ? Quels sacrifices est-on prêt à accepter pour être compétitifs ? Si on se projette, o n pourrait très bien imaginer que l’Europe et les US redeviennent l’atelier du monde… mais à quel prix ? C’est, à mon avis, le modèle tout entier qu’il faut revoir car le marché ne nous apportera pas le bonheur éternel. Jamais.

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  8. Ganlanshu

    La collectivisation et la redistribution ne sont pas incompatibles avec la récompense du mérite. Sous la Chine communiste, un fils de paysan pauvre pouvait devenir ouvrier, puis s’il était méritant, augmenter son salaire, monter en grade, recevoir une formation pour devenir ingénieur. Dans la Chine capitaliste d’aujourd’hui, le mieux qu’un ouvrier puisse espérer c’est de conserver son boulot et qu’il réussira à économiser
    La spécialisation des économies n’a jamais existé ailleurs que dans l’imagination de certains économistes, et quelques petits pays, comme le Bénin ou Nauru. Personne n’envie leur sort. La spécialisation n’est ni possible ni souhaitable d’un point de vue social, écologique et humain.

    Et c’est un jeu où le peuple est toujours perdant. Dans l’électronique grand public, la Chine a détaxé Shenzhen pour attirer les entreprises étrangères, mais les salaires devenus trop élevés (200€/mois !), on a bougé vers Dong-Guan ou NingBo, puis vers ChongQing, et maintenant vers le Vietnam, plus accueillant (pas de droit du travail, pas de réglementation environnementale, foncier offert et subventions du gouvernement).

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  9. Piedminu

    Il est vrai que qu’un économie de marché affranchit de toute régulation étatique n’apportera rien de bon car elle sera oxygénée par la concentration des richesses jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’oxygène ; et alors c’est le retour cyclique des crises tel que l’a décrit et prévu Karl Marx.
    Une économie de marché ne s’auto-régule pas toute seule, le Léviathan n’existe pas, toutefois une économie où existe la liberté d’entreprendre produira toujours plus de richesses qu’une économie planifiée destinée à soulager les besoins minimum.
    Le courage politique réside dans le placement juste du curseur de régulation (Cf. Roosevelt) afin de faire profiter au plus grand nombre des fruits des richesses produites.

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  10. politeeks

    oui Ganlanshu, les vietnamiens vont finir par demander des salaires et des droits. Etre révolutionnaire c’est leur expliquer comment faire et les encourager si jamais ils ne savent pas, ce dont je doute. Regardez tous ce qui c’est passé en Corée du sud en 30 ans: combien de congés payés ont ils? quel est le salaire moyen d’un ouvrier dans l’automobile ?

    Et désolé, mais en Chine des gamins d’ouvriers vont à l’université. Le seul soucis que je connais et qui est documenté est la ségrégation : les enfants des régions lointaines ne pouvaient venir étudier dans les universités des grandes villes « modernes ».

    Clumsy , cherche « low-cost » sur mon blog, l’UE du SUD est en train de devenir une zone low-cost puante (travail au black qui est une dérégulation massive) où semble-t-il le seul truc viable soit le tourisme pour riches gens du nord méprisants les locaux.. pour le reste on ne voit pas encore de transfert massif de production la bas, y compris dans les zones portuaires vendues aux chinois: sinon leur PIB grimperait. la zone low-cost n’est pas encore un camp de travail forcé, mais ça peut se produire : la nature a horreur du vide, et tous les grecs ne peuvent pas émigrer ailleurs …

    Donc le problème c’est bien le libre échange et l’arnaque des délocalisations lié (on délocalise vers des pays qui sont en libre échange sinon ça ne vaut pas le cout) qui n’ont pas forcément fait baisser tous les prix pour le consommateur : cf le textile: les marques produisent au Vietnam des pantalons que vous payez aussi cher que ceux produit autrefois en Tunisie ou au Portugal… par contre les profits vont toujours aux mêmes endroits.

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    • ClumsyClumsy Auteur

      Nous sommes d’accord sur le libre-échange. J’avais compris dans ton commentaire précédant que tu défendais une forme de convergence des économies grâce au libre-échange.
      Certes, les camps de travail forcé n’existent pas (sauf pour les immigrés clandestins) mais c’est là toute la force du libéralisme. La contrainte est intériorisée par les agents économiques (le fameux TINA).

      Et il vrai que la course à la compétitivité est aussi un cache-sexe pour augmenter la rentabilité des entreprises et donc pour que les actionnaires puissent aspirer les profits. Dans ce registre, le CICE sera très probablement un cas intéressant…

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      • politeeks

        le CICE et son chantage par les grandes entreprises vers les petites qui osent demander à en profiter montre ici le coté rapace des grandes entreprises. Et aussi que les TPE/PME ne sont représentées que par des ânes.

        Et non je ne défend pas le libre-echange, qui de toute façon n’existe pas sauf vers l’UE : les USA sont protectionnistes, les chinois aussi. Et nous on laisse faire, alors que les droits de douanes « tarifs extérieurs » sont toujours dans les traités. Seule la volonté politique manque, alors que le marché intérieur UE est le plus gros , avec le + de salariés formés compétents etc.. Et la convergence des économies va en conduire certaines à revenir à de la production interne. L’UE serait débile de faire autrement au nom de dogme bisounours dont les conséquences nous seront fatales.

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    • Ganlanshu

      On est d’accord sauf pour Chine. L’université n’est plus gratuite depuis quelques années. Une famille d’ouvrier doit tout sacrifier et s’endetter pour envoyer son enfant à l’université.
      Il y a bien une sélection par l’argent. Dans tous les concours (collège, lycée, universités), il y a des places réservées pour des candidats qui ne sont pas assez bien classés, mais qui compensent en payant des droits d’inscription beaucoup plus élevés. Tous les chinois de plus de 40 ans vous le diront : il y a une nette régression pour les classes populaires depuis la fin du communisme.

      Répondre
  11. GK

    Soyons synthétiques.
    (i) Le libéralisme n’est pas « un mode d’action économique ». C’est une philosophie politique, une conception du monde et de la vie en société qui touche autant au Droit qu’à l’économie.
    (ii) La séquence Smith-Ricardo-Walras n’est pas seulement simplificatrice : elle est aussi terriblement partielle pour ne pas dire partiale. Le libéralisme est né bien avant Smith et la Révolution industrielle (qui, à bien des égards, est une conséquence directe du succès des idées libérales chez les Philosophes des Lumières). C’est faire une grande injustice à nos compatriotes – Turgot, Condillac, Say… – que de présenter Smith comme le seul économiste libéral de son époque (et ce, d’autant plus que c’est l’école française qui s’est avérée être dans le vrai ; notamment sur la théorie de la valeur). C’est être bien injuste avec Jevons ou Menger que de ne citer que Walras parmi les pères du courant (dit) néoclassique. Et c’est enfin très injuste pour ce dernier que de laisser accroire qu’il ait pu être bête au point de croire que les homo-sapiens se résumaient à un homo œconomicus : la modélisation de Walras (et al.) n’est rien d’autre qu’un outil d’analyse : la critiquer en disant qu’elle est simplificatrice, c’est tuer un homme de paille.
    (iii) La théorie des avantages comparatifs, comme le fait remarquer à très juste titre l’un de vos lecteurs, c’est bien sûr Ricardo et pas Smith.
    (iv) Dire que la politique de FH (ou celle de NS) est « libérale » est aussi stupide et dénué de sens que de dire qu’elle est « socialiste ». L’un comme l’autre sont des sociaux-démocrates (pas par conviction mais par pur opportunisme) : une vision de la société qui cherche à concilier une économie de marché sous tutelle du pouvoir politique (pour en « limiter les excès » et dépasser la prétendue « myopie des marchés ») et un fort État-providence (arme suprême du clientélisme politique).

    « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait. »
    — Sun Tzu, L’art de la guerre.

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  12. damthev

    La politique actuelle n’a en effet rien de socialiste mais rien de libéral non plus.
    On est dans une politique néo-socialiste ou néo-libérale au choix.
    Les réglementations, subventions, niches, … n’ont rien du libéralisme qui prône un désengagement total de l’état.
    On est dans une politique capitaliste de copinage pour et par les puissants.

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  13. manudwarf

    My 2 cts (en tant que « ultra-libéral »), nous ne sommes certainement pas avec un gvt libéral (je pourrais vous en faire des tartines à ce sujet), ni socialiste d’ailleurs (je suis sur que vous pourrez le démontrer mieux que moi).

    J’ai coutume de dire que c’est un gouvernement étatiste : tout pour l’état et ce qui gravite autour.
    Les salariés, les petits patrons, les indépendants, les retraités, les jeunes, les chômeurs peuvent bien crever, ce qui compte, c’est que les élus aient leur indemnités (cumulées).
    Pour faire accepter le tout par la population, on fait deux trois cadeaux symboliques à la gauche et aux syndicats, un ANI par ici pour calmer les patrons, des emplois d’avenir pour éviter une révolte des jeunes et j’en passe.

    Les étatistes ne sont libéraux que lorsqu’il s’agit de créer un peu de richesses pour que le peuple ne se sente pas floué par la masse d’impôts (je ne parle pas des plus riches, mais des travailleurs et des classes moyennes qui en paient le plus gros) et ils ne sont socialistes que lorsqu’il s’agit d’avoir les votes des syndicats et des travailleurs.

    Sinon, pendant ce temps, la dépense publique et la dette progressent inexorablement alors que les services publiques se décomposent. Soit on privatise et on baisse la dépense, soit on monte la dépense et on a plus de services publiques, mais ce grand écart est juste stupide et ne satisfait personne.
    Enfin, si, les gratte-papiers de Bercy…

    PS : Si vous voulez ma définition d’un état « libéral », je dirais faible régulation, faible dépense publique et action concentrée autour du régalien. Je ne prétends pas détenir de définition absolue mais c’est celle communément admise chez les libéraux actuels.

    PPS : Pro-marché pro-business 😉

    PPPS : Merci pour ce billet, malgré des désaccords de fond cela fait plaisir de voir une critique argumentée et non dogmatique du libéralisme :)

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