Le libéralisme peut soigner les troubles de l’érection, par @EmilePouget07
C’est un bijou.
Une perle.
Superbe, tout simplement.
On avait rien vu de plus beau depuis Vive la crise ! en 1984 ou La mondialisation heureuse de Minc en 1997. On pensait qu’une telle apologie béate, non pas des infanticides ruraux comme dirait l’autre, mais du libéralisme, n’existait plus depuis 2008.
Heureusement pour nous, Le Point ressuscite ce beau discours caricatural du marché-roi-émancipateur.
Si tu veux lire toi-même, c’est là.
Tu me diras, il n’en est pas à son coup d’essai Le Point. Certes, il ne se passe pas une semaine sans qu’on y lise (si on y est obligé ou masochiste) un dossier bidonné sur les « assistés » ou des révélations inédites sur cet « Islam sans gêne » qui gangrène notre belle France.
Mais là, un tel évangélisme libéral (« sans gêne ») laisse pantois ! Et c’est pour que tu ne rates pas cette si belle interview que je voulais t’en causer deux secondes.
Tout est dit dans le titre « le libéralisme, une chance pour vaincre la misère ? » et dans le chapô encore plus explicite : « Pour l’historienne Laurence Fontaine, le marché peut permettre aux pauvres de s’en sortir, et aux femmes de s’affranchir du patriarcat ».
Le journaliste du Point avait pensé intituler son article : « le libéralisme te fait gagner au loto, fait revenir ta femme et soigne tes troubles de l’érection » mais on a du lui dire que c’était un peu too much.
Dans ce petit article (heureusement) on peut lire un entretien très objectif d’une historienne qui veut nous prouver historiquement que le marché est beau et bon pour tous.
Parce que bon le discours de Madelin ou celui de l’Ifrapadingue, on sait que ça passe plus trop, même pour le bourgeois moyen. Alors une belle caution « historique » pour faire passer les mêmes idées rebattues depuis Hayek, c’est toujours bon à prendre. Est-ce bien la peine de décortiquer comme il faut le discours de Friedrich Fontaine dans les moindres détails ? Ce discours tu l’as déjà entendu mille fois sauf si tu vis dans une grotte depuis 30 ans. Du coup je vais faire court.
Commençons par la très belle question du journaliste du Point : « Le marché est à nouveau mis en accusation, comme à l’époque où l’économie administrée faisait rêver bien des intellectuels… Pourtant, est-ce vraiment sans raison qu’on attribue aux excès de la finance l’origine de la crise ? »
Belle question en forme d’éditorial … Où on rappelle au passage les heures terribles où tous les intellectuels étaient communiss´. Milton Fontaine récupère avec joie la perche tendue : « […] le marché est toujours aussi détesté. Mais pourquoi s’en prendre aux mécanismes de l’échange entre les hommes, et non aux hommes eux-mêmes ? ».
Ben oui, le système est génial et la crise de 2008 c’est à cause des erreurs de quelques individus ! Ça te rappelle rien ?
Si la finance, aujourd’hui, est mal régulée, c’est peut-être parce que la gauche ne s’y est pas beaucoup intéressée : elle trouvait ça dégoûtant…
C’est pas tout à fait vrai ça dis-donc. Ce serait pas un peu « la gauche » qui aurait dérégulé par hasard ? Elle trouvait ça « dégoûtant » ? Ben oui c’est pour ça qu’elle a permis à la finance de s’émanciper encore plus, logique.
Passons sur la suite où Margaret Fontaine nous parle des jolis marchés du Moyen-âge qui permettent de s’émanciper du seigneur et revenons pour finir à cette autre question du Point :
Pour vous, l’accès au marché est l’intérêt de tous et, en particulier, des plus démunis et des exclus du monde du travail. Pourquoi ?
Tu sens comme il est content là le mec du Point ? Une historienne, une scientifique, une intellectuelle de chez le CNRS quand même (une grande institution de marché…) lui dit exactement ce qu’il veut entendre, ô joie !
Dans la réponse de Ronald Fontaine (que je vais t’épargner, je sens que tu satures déjà) de très belles phrases qu’on dirait tirées d’un tract de Madelin en 1995 :
[…] le marché est l’un des lieux d’expression privilégiés de la créativité personnelle
[…] l’accès au marché entraîne d’autres bénéfices, comme l’amélioration de l’hygiène et du niveau d’éducation
L’apparition de la femme marchande au XVIIe siècle, en France, m’apparaît aussi comme une conquête féminine […]
Un discours rebattu de colloque du Medef enrobé de références historiques qui font bien et hop, voilà un beau moyen de faire passer les idées de la société du Mont Pélerin sous couvert de scientificité.
Tu me diras là aussi que c’est pas nouveau. C’est vrai que de François Furet à Pierre Rosanvallon, on sait que l’Histoire est aussi un formidable instrument de justification de l’ordre établi.
On en a ici encore un bel exemple. Il serait temps que mes camarades historiens critiques se relancent un peu dans la bataille non ?
Mots-clés : Billet Invité, médias
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