L’austéri[tétue]
L’austérité tue, donc (si tu es nouveau ici, j’en ai parlé là. Je te laisse aller voir, et tu reviens après). Déjà ça c’est mal, et ça devrait suffire à ne pas l’accepter. Mais comme certains diront qu’il faut savoir faire des sacrifices, je vais me permettre d’en remettre une couche sur le pourquoi du comment.
Je disais dans l’épisode précédent, que l’austérité que nous (oui je dis nous, car en tant que bons gauchistes, on perçoit d’abord le monde, puis l’Europe (les Grecs), puis la France, puis la rue d’à côté, puis moi, ou toi), subissons n’était pas tombée du ciel. Ça serait trop simple. En fait elle est, entre autres, venue d’un article économique.
Deux alchimistes économistes de Harvard (la classe), Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, ont donc publié en 2010 un article, « Growth in a time of debt » [La croissance en période de dette], qui faisait référence. Ils préconisaient des coupes immédiates dans les dépenses publiques. Leurs partisans austériens se sont appuyés sur ces conclusions pour étayer leurs positions et attaquer leurs adversaires.
Tout allait bien dans le meilleur des mondes me diras-tu. Des apprentis sorciers économistes (pardon, j’arrête) réputés, issus d’une grande université faisant référence avaient théorisé la misère pour tous. Les libéraux chantaient leur joie dans les rues. Nos puissants se battaient pour mettre en œuvre ces politiques avant les autres. Non pas tellement que cela correspondait à leurs convictions, mais il était de rigueur (joke) dans ces milieux, de se conformer à la pensée dominante. Notamment en 2010, deux ans après le « grand choc », après avoir lancé quelques politiques interventionnistes :
Pourquoi en finir avec les mesures de relance ? Parce que la crise grecque voyons. Tu sais, ce pays dont les déficits ont été trafiqués pour ne pas remettre en cause la doxa libérale. Elle tombait bien cette crise grecque. Un don du ciel, le danger du déficit enfin concrétisé. (Oui tu as raison, trafiqué par les tenants du capitalisme fou comme Goldman Sachs…)
Haro sur les déficits, donc. La Grèce est la nouvelle cible. Les pauvres (dans tous les sens du terme). Tu peux retourner à la partie sur les ravages de l’austérité sur la santé maintenant (c’est bien foutu t’as vu).
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais quelques vilains gauchistes osèrent remettre en cause cet article fondateur de l’austérité. En fait non, ce fut un étudiant en troisième année de cycle à l’université du Massachusetts. Il reprit l’article et les données de nos deux alchimistes et découvrit, ô miracle, qu’il y avait des erreurs de programmation, des omissions de données et d’étranges techniques statistiques.
Comment avoir pris ces gens au sérieux me diras-tu ?
C’est assez simple. En fait, il ne s’agit pas de savoir si ces gens ont raison ou non. Il ne s’agit pas de se demander si leurs calculs sont bons ou pas. Il s’agit de se dire que l’austérité était et est toujours une solution à laquelle veulent croire de nombreux personnages puissants.
On pourrait se dire que SCANDALE, ces gens ont menti, et ont conduit des millions d’Européens dans l’impasse austéritaire mais non (ça serait trop simple).
Face à cette déstabilisation, deux nouveaux génies apparurent : Alberto Alesina et Silvia Ardagna (Harvard aussi. Tiens. Après tout hein) disant que les politiques de relance SAY MAL. Mais l’austérité c’est bien. Ça rassure le secteur privé. (Tu m’étonnes. Bah oui, l’austérité ça rassure le secteur privé.)
« L’idée que les mesures d’austérité pourraient entraîner une stagnation est incorrecte. […] En fait, dans les circonstances actuelles, tout ce qui contribue à accroître la confiance des ménages, des entreprises et des investisseurs dans la solidité des finances publiques est bon pour la croissance et pour la création d’emplois. Je suis fermement convaincu que, dans les circonstances présentes, des politiques inspirant la confiance vont renforcer et non entraver la reprise économique, car la confiance est aujourd’hui le facteur essentiel.” Du pur Alesina-Ardagna.
On passe donc d’une théorie de l’austérité à une orthodoxie politique de l’austérité. On l’applique bêtement.
Les résultats sont désastreux. L’économie des pays contraints à cette rigueur a dégringolé, de manière plus ou moins proportionnelle au niveau d’austérité. (Grèce, Portugal…)
Après notre courageux étudiant, ce fut au tour du FMI de finir par reconnaître que ces politiques sont le résultat d’erreurs de calcul. Parfait, donc le saint FMI reconnait sa boulette, ça veut dire qu’on arrête les frais non ? Mais non. Le problème réside dans le fait que ce ne sont pas les éléments structurels qui déterminent nos politiques, mais des éléments intellectuels. Une pensée unique dominante dit que l’austérité c’est bien. Donc tout primo-dirigeant (coucou Hollande) doit trouver ça bien.
Donc on continue, mais on fait amende honorable : le FMI, après avoir soigneusement examiné les données, conclut que l’austérité avait eu des effets économiques négatifs, reconnaissant avoir sous-estimé ces effets.
Point d’étape donc : Trois ans après le tournant de la rigueur, Il s’avère que l’austérité n’a pas restauré la confiance ; les déficits n’ont pas provoqué de crise. Pourtant, la rigueur n’était-elle pas fondée sur des recherches économiques sérieuses ? Il s’est avéré que non : les travaux cités par les austériens comportaient de sérieuses failles.
Et là soudain, tu te souviens du fameux seuil des 90 % évoqué dans l’article fondateur de la rigueur, et de toutes les histoires effrayantes qu’on nous racontait pour vendre l’austérité. Et tu te rends compte qu’elles perdent toute crédibilité.
« Notons également que, si depuis la crise financière la politique économique est un lamentable échec, elle n’a pas été si mauvaise que ça pour les riches. Le chômage de longue durée se maintient à un niveau jamais vu, mais les bénéfices des entreprises se sont redressés ; le revenu médian végète, mais les indices boursiers des deux côtés de l’Atlantique ont retrouvé leur niveau maximal d’avant la crise. Il serait peut-être excessif de dire que les 1 % les plus riches profitent de la dépression, mais il est clair qu’ils n’en souffrent guère, et cela a probablement quelque chose à voir avec la volonté des décideurs politiques de persister dans la voie de l’austérité. C’est une histoire terrible, notamment en raison des immenses souffrances qu’ont entraînées ces erreurs politiques. Mais c’est aussi une histoire profondément inquiétante pour ceux qui aiment à penser que la connaissance peut améliorer le monde. Les décideurs et les leaders d’opinion se sont servis de l’analyse économique comme un poivrot se sert d’un lampadaire : pour s’appuyer, pas pour être éclairé. Les économistes qui ont dit à l’élite ce qu’elle voulait entendre ont été célébrés, malgré les nombreuses preuves de leurs erreurs ; et, bien qu’ils aient souvent eu raison, les économistes critiques ont été ignorés. »
Tout ça pour dire finalement que nos dirigeants austériens s’en sont remis, peut-être un peu trop vite, à des alchimistes, à des oracles économiques qui pensaient détenir la vérité, alors qu’en réalité, le sort de millions d’êtres humains se jouait dans une formule Excel…
Mots-clés : Austérité
Le FMI une bande de personnes responsables à cravate ! qui prônent une science économique » responsable » et qui par la force des choses doivent constater les dégâts de leur choix. Un mauvais choix car oui l’austérité tue !
Et je le répète encore.. ces hommes qui ont tant de responsabilités me font vomir !
Prendre en étau tout un peuple pour réduire des déficits dont ils ne sont pas la cause est une honte! une ignominie!
Trop facile de dire après coup » Sorry nous nous sommes trompés » ! Depuis cet aveu , rien a changé.. L’austérité est toujours prônée au niveau Européen.
Cette ‘austérité macabre ne rassure que les banquiers , le milieu de la finance, la BCE, l »Allemagne… J’ose espérer un sursaut de responsabilité!!!!
En politique il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des choix . Pour ma part ces choix doivent servir l’intérêt général et non servir l’intérêt de quelques groupes!!