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Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

La Suède, top modèle, par Thierry Beysson

Publié le par dans avec 4 avis

Billet invité

Tout le monde est à peu près d’accord, la Suède souffre d’un problème d’intégration. Voilà un pays dont la plupart des immigrés et leurs enfants ne sont pas spécialement blonds. Qui pis est, cagoulés et vociférants, certains d’entre eux eurent ces jours-ci des envies d’en découdre avec les forces de l’ordre. Pour une interprétation mesurée de la menace qu’ils font planer sur la civilisation européenne, le christianisme, la race blanche, le saucisson, etc., je vous conseille les œuvres complètes d’Yvan Rioufol et Eric Zemmour, les Pipo et Mario du choc des civilisations. En un mot comme en cent, il y a de quoi se flinguer dans la Cathédrale de Stockholm.

Parlons de quelque chose qui n’a strictement rien à voir : « le modèle suédois ». Plus chic que le modèle allemand, plus exotique que le modèle britannique, le modèle suédois enchante petits et grands depuis le début des années 1990. Et pour cause, une succession de gouvernements de centre-gauche et de droite qui mettent en place une réforme des retraites qui aboutit à la diminution des pensions, baissent massivement les impôts des plus riches, divisent quasiment par deux l’impôt sur les sociétés, effectuent des coupes sombres dans les effectifs de la fonction publique… Ces gens savent parler aux élites européennes.

D’ailleurs, le 10 janvier 2013, lemonde.fr, visionnaire, publiait une tribune de Philippe Aghion et Bénédicte Berner sobrement intitulée « Vive le modèle suédois ! » Les auteurs y font l’éloge de la réforme fiscale de 1991, qui fit passer le taux d’imposition des sociétés de 58% à 30% et qui abaissa le taux marginal de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu de 87% à 57%. Philippe et Bénédicte se réjouissent également que les effectifs de la fonction publique soient passés de 1,7 million d’employés dans les années 1990 à 1,3 million aujourd’hui. Mieux encore, que les dépenses d’assurance-maladie n’aient augmenté que d’un point de PIB (contre quatre en France) entre 1990 et 2011 ne les inquiète pas. Le lecteur en déduira qu’en régime néo-libéral les gens sont moins malades.

A vrai dire, hormis quelques faibles critiques (de mauvaise foi, bien entendu) d’Alternatives économiques, le modèle suédois fut encensé par une grande partie de la presse française, du Figaro au Monde. On salua des « réformes structurelles » qui faisaient de la Suède l’avant-garde de la modernité blairo-schröderienne sociale-démocrate main dans la main avec la droite.

Force est de constater que ces politiques portent aujourd’hui leurs fruits. La Suède, pays bien trop égalitaire par le passé (une sorte d’Union Soviétique sans Staline), voit enfin les inégalités exploser. Selon un récent rapport de l’OCDE, parmi les 34 pays membres de l’organisation, la Suède est celui où les écarts de revenus croissent le plus vite, ainsi que le rapportait le quotidien Svenska Dagbladet dans un article traduit en français par Presseurop le 15 mai 2013. Selon le journal, cette évolution a affecté essentiellement « les malades, les chômeurs et les retraités, qui sont aujourd’hui moins bien lotis qu’en 2006 : leurs allocations n’ont pas été augmentées, et, dans certains cas, elles ont été réduites, tandis qu’ils n’ont pas bénéficié des baisses d’impôts ».

Fort heureusement, ce genre de sentimentalisme gauchiste n’aura pas résisté à l’épreuve des émeutes urbaines, et la presse suédoise revient aujourd’hui à des préoccupations de plus haute valeur philosophique, comme le problème de l’immigration, de la non-intégration des populations issues de l’immigration, de la place de l’Islam dans la société, etc. Voilà qui ravira les partisans de l’extrême-droite suédoise, représentée par le parti Démocrates de Suède (SD), qui fit une entrée fracassante au Parlement en 2010, obtenant 5,7% des voix lors des élections législatives. A l’approche des législatives de 2014, SD flirte avec les 10% d’intentions de vote dans tous les sondages et s’affirme comme la troisième force politique du pays.

Ajoutons que la Suède détient également le plus haut ratio de chômage des jeunes par rapport au taux de chômage global de tous les pays de l’OCDE. 24,2% des moins de 24 ans y sont au chômage, pour un taux de chômage de 8% dans l’ensemble de la population et de 6,1% chez les 25-54 ans, comme l’indique le Centre Régional d’Information des Nations Unies pour l’Europe de l’Ouest sur son site Internet.

Nul doute que François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici, nonobstant leur détestable atavisme bolchévique la rose entre les dents, sauront s’inspirer d’un modèle qui aura fourni d’aussi remarquables résultats en 20 ans.

Comme on dit au Monde, « Vive le modèle suédois ! »

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4 avis sur “La Suède, top modèle, par Thierry Beysson

  1. Chen

    Les pays nordiques nous ont toujours été présentés comme des « modèles » à suivre pour que notre économie fleurisse. C’est aussi stupide que de faire un copier coller des réformes allemandes.
    En 1960, la Norvège, la Suède et la Finlande avaient respectivement 3.5, 7.5 et 4.5 Millions d’habitants. Aujourd’hui ces populations sont passées à respectivement 5, 9 et 5.5 M d’habitants. Autrement dit ce sont des pays à l’évolution démographique très lente comparée aux autres pays européens (dans le même temps la France est passée de 45M à 65M d’habitants). Alors que chaque année (en moyenne) 20 000 personnes étaient comptabilisées en plus sur le sol des pays scandinaves, la France en comptait 400 000. Pour que ces pays aient une économie défaillante, il eut fallu que leurs gouvernements adoptassent une politique dénuée de sens, d’autant plus que malgré les conditions climatiques particulières, ce sont des territoires faciles à maîtriser pour des pays riches (peu d’obstacles naturels, pays étirés en longueur donc infrastructures limitées…). Ici ils n’ont fait qu’appliquer une politique libérale qui a mis plus de temps à porter ses fruits pourris du fait du tout petit nombre de la population. Les problèmes économiques ne se voient que très peu d’autant plus que la population concernée est peu nombreuse (même si elle représente un % plus élevé qu’ailleurs, ici ce sont les valeurs absolues de population qui comptent). D’ailleurs, on observe que c’est en Suède que les problèmes socio-économiques apparaissent au grand jour en premier (car c’est le plus peuplé des 3 pays scandinaves). Il ne faut pas s’y tromper, le tour de la Finlande et de la Norvège viendra si les mêmes politiques sont encore appliquées.

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    • Thierry Beysson

      Merci pour ce complément très intéressant. J’ajoute que les données récentes sur le taux de chômage et la croissance en Finlande sont assez inquiétantes. Et, dans le cas de la Norvège, que je connais mal, il me semble que la rente pétrolière permet de sauver les meubles.

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  2. Pingback : Atelier graphique | Babordages

  3. Chen

    Je reviens sur ce billet, car je voulais vous faire part d’une discussion que j’ai eu avec des suédois et norvégiens au cours d’un récent voyage que je fis à Belfast (Irlande du Nord, Royaume-Uni).
    A Belfast, la vie est assez chère. Quand on convertit les prix de la livre sterling en euro, on arrive à des prix quasiment parisiens. Les loyers sont moins chers qu’à Paris, mais les logements quelque peu dégradés (et la situation ne s’améliore visiblement pas). Lors d’une soirée (pas arrosée du tout) je rencontrais des norvégiens et suédois. Je leur demandais ce qu’il faisaient (avec mon anglais irréprochable qui me caractérise =) et me répondirent qu’ils étaient venus travailler ici. Ils n’étaient plus étudiants et avaient quitté leur pays natal ; quand bien même ils sont payés 3 fois moins à Belfast, ils ont 2 fois plus de pouvoir d’achat. Je ne sais plus les proportions exactes, mais l’idée est là. Le coût de la vie des pays nordiques est tellement élevée qu’il faut désormais un salaire mirobolant pour pouvoir y séjourner confortablement.

    A suivre …

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