Péril en la demeure

Les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques. On ne pleure pas devant les chiffres. Henri Grouès, dit l’Abbé Pierre

C’était il y a 60 ans. Hiver 54. Une éternité.

Déjà sept ans que celui qui a longtemps occupé la première place dans le classement de la personnalité préférée des Français nous a quitté.

#LéFrancé

La semaine dernière, la Fondation Abbé Pierre sortait son 19e rapport sur l’état du mal-logement. Triste anniversaire. Pleurons devant les chiffres.

Le nombre de personnes sans domicile s’élève à 141 500. On compte également 85 000 personnes en habitation de fortune et 411 000 en hébergement « contraint » chez un tiers. Si l’on ajoute les quelque 2 778 000 personnes en privation de confort ou en situation de surpeuplement « accentué », on arrive à 3 524 426 personnes mal logées.

Trois millions cinq cent vingt-quatre mille quatre cent vingt-six

Et si c’est le plus dramatique, ce n’est pas fini. Le recensement se poursuit avec les personnes fragilisées par rapport au logement. On ajoute alors les 1 252 000 locataires en situation d’impayés de loyer, les 3 224 000 personnes en surpeuplement « au sens large » et même les quelque 729 636 propriétaires en difficulté, précaires ayant voulu accéder à la propriété immobilière se retrouvant mis en plus grande difficulté dans des copropriétés qui les prennent au piège. Nous avons ainsi 5 154 235 personnes fragilisées, au bord du gouffre.

Cinq millions cent cinquante-quatre mille deux cent trente-cinq

L’étude, allant jusqu’au bout, additionne soigneusement les données, en prenant soin de retrancher les veinards qui occupent les deux tableaux. On arrive au nombre de 8 103 661.

Huit millions cent trois mille six cent soixante et un

Des humains, des gens. Comme toi.

Huit putain de millions.

Plus de 12 % de la population.

Plus d’une personne sur dix.

Une paille…

Aujourd’hui, 37 % des communes n’ont toujours pas respecté leur objectif relatif à la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains) qui les engage à atteindre 20 % de logements sociaux dans leur parc, le nombre de bénéficiaires de la loi DALO (droit au logement opposable) restante à loger ne cesse de croître, de même que les expulsions locatives et autres décisions de justice pour impayés de loyer.

L’an dernier, le gouvernement estimait à deux millions le nombre de logements vacants, tandis que le collectif Jeudi Noir avance le nombre de 2,4 millions en s’appuyant sur les données de l’Insee.

Et l’on peut ajouter la quantité astronomique de bureaux vides. Rien que 4,5 millions de m² étaient comptabilisés en janvier 2012, uniquement en région Île-de-France.

Qu’attend-on pour agir ?

Que de joyeux propriétaires montent une association, s’insurgent préventivement, hurlent à la spoliation, prennent un nom d’oiseau sympathique (les troglodytes mignons ?), créent une page Facebook et fassent monter les « likes » avant d’être reçus à l’Élysée ?

Mots-clés : Inégalités, Logement