Babordages

Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

Impalpable

Publié le par dans avec 5 avis

Je crois que je viens d’avoir une petite épiphanie (ou j’ai réinventé l’eau chaude).

Clumsy évoquait récemment la bataille de l’imaginaire, remportée haut la main par le néolibéralisme.

Et si sa plus grande victoire, au néolibéralisme, était d’avoir réussi à imposer l’idée de l’existence d’une réalité objective à laquelle nous, misérables humains, n’aurions pas d’autre choix que de nous soumettre ?

L’économie serait une science dure qui voudrait que le système, les équations, le marché soient rationnels, et que si tout foire, ce n’est que parce que ces cons d’humains ne le sont pas.

Un détail.

Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil.

Non, c’est un tweet anodin, lâché par @Sarkofrance (que je remercie au passage, sincèrement, sans aucune ironie), au fil d’une discussion sur la politique du gouvernement, qui m’a mis la puce à l’oreille et m’a fait réfléchir :

N’impliquerait-il pas en creux qu’il existerait également une réalité, une rationalité politique, objective, et que l’affect et la perception subjective de cette réalité seraient des externalités qui devraient pouvoir être ignorées ? À nous, misérables humains, de nous y soumettre, là encore ?

Voilà. Mon petit Eureka. Ma petite roue. Mon petit fil à couper le beurre :

La « psycho » ne serait-elle pas la pierre d’achoppement entre #LaGroite et #LaGauche ?

En évacuant « la psycho », tu obtiendrais #LaGroite : pragmatisme, réalisme, realpolitik, rapports de force, efficience, mécanismes, mécaniques —> #TINApocalypse.

Autant de symptômes d’une pensée magique pour #LaGauche, qui ne maîtrisant pas ses affects, « psychologiserait » à outrance, et serait incapable de faire la distinction entre la réalité objective et son vécu subjectif. Et que dire lorsqu’elle quitte le terrain du concret pour s’interroger sur des notions intangibles comme l’injustice, l’indignation, la douleur, la peur, la colère, l’espoir, le désir et autres « sentiments » qui par définition, n’ont pas leur place dans un monde régi par « la raison » ?

« L’humain d’abord », proclament en cœur ces « cœurs qui saignent » comme disent les Américains.

Ça ne veut rien dire, « l’humain d’abord ». C’est de la poésie. Ce n’est pas « actionnable ».

Je fous ça où dans mon tableau Excel, bordel ?

Se côtoieraient ainsi deux mondes parallèles, qui se croisent dans la nuit et ne peuvent pas se comprendre, car bien qu’ils parlent la même langue, leurs mots renvoient à deux conceptions parfaitement incompatibles, voire antagonistes de la réalité/de la perception.

Cette aversion pour la « psycho » n’est peut-être pas un hasard, si l’on songe que l’ordre néolibéral qui régit le monde et nos pensées est le fruit des entrailles, pardon, le triomphe du pragmatisme à toute épreuve de la puissante US Chamber of Commerce.

En effet, pour faire très court et (trop) simple, nos amis américains s’inscrivent dans l’action plutôt que dans la réflexion (pour le meilleur et pour le pire).

« Actions speak louder than words », déclarent-ils volontiers.

(Et d’ailleurs, la langue anglaise s’articule autour des verbes, contrairement au français qui s’articule autour des noms).

Dès lors, ils privilégient les choses carrées, circonscrites, concrètes, pratiques, manipulables dans le présent, le maintenant, ou à la rigueur les choses prévisibles, prédictibles, modélisables. Le pourquoi du comment, le signifiant, la symbolique, les interrogations ou les angoisses existentielles, ils s’en tamponnent pas mal. C’est de la branlette. Ce n’est pas aisément actionnable ou monétisable. Ça ne figure pas sur un bilan.

Ils privilégient ainsi l’inné plutôt que l’acquis (ça se séquence et ça se brevète, les gènes), les sciences dures et la technologie plutôt que les (pseudo-sciences sociales (molles et flasques qui vous glissent entre les doigts et salopent la moquette).

Et tout, oui tout, est préférable à ce bouffon, cet imposteur, cet obsédé sexuel, ce falsificateur, ce mauvais père, ce cocaïnomane de Freud et son enfant bâtard, difforme, hideux, répugnant : la psychanalyse, reine des pseudosciences, basse-fosse de la pensée, gorgée des miasmes et autres déjections qui l’obsèdent.

La dissonance cognitive, le retour du refoulé, le vécu subjectif. Tout ça n’est que littérature.

Comment veux-tu que j’intègre ça dans mon algorithme, putain de ta mère de bordel de merde de bite à queue ?

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À propos de sknob

Franglophone songwriter, cartoonist, translator, geek, #ronchonchon. VieuxSage, déjà blogueur au XXe siècle, je ne supporte ni l'injustice, ni la mauvaise foi, ni les gens qui réfléchissent avec le cerveau d’autrui, ni les betteraves. En revanche, j'ai un peu le melon depuis que j'ai publié un billet sur le blog de Paul Jorion. Mes camarades m'ont à l'œil.

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5 avis sur “Impalpable

  1. juan

    tu te rappelles que ce tweet (que je suis allé rechercher pour vérifier) a été écrit à propos de la réaction de Hollande sur Léonarda ? Il visait bien autre chose que ce tu évoques ensuite. Sur le fond de ton sujet, qui est autre, je crois que la seule réalité qui s’impose à nous est celle que les autres êtres humains qui nous entourent créent autour de nos et de nos projets. C’est donc très flexible à la base.
    bien à toi

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    • sknob Auteur

      Oui, je me souviens (moi aussi je suis allé vérifier 😉 ). Je ne te prête aucune intention particulière. Je brode sur ton tweet qui m’a fait gamberger, sachant que c’est un sujet qui me turlupinait déjà. Vaste et complexe sujet, sur lequel je reviendrai sûrement.

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  2. Caro_jer

    Ainsi la droite complexée (groite) serait réaliste et efficiente.
    Quelle blague !
    Tous (?) les indicateurs économiques (nationaux et internationaux) nous démontrent le contraire.

    Hollande pronostique « La crise de la zone euro est derrière nous » ou prêche sans cesse la croissance (infinie) dans un monde fini.
    Comment peut-on sérieusement soutenir que cet homme est « réaliste » ?

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    • sknob Auteur

      De son point de vue (la droite complexée/Hollande), oui.

      Et puisqu’au regard du résultat catastrophique, son obstination défie toute raison ou logique, il faut bien aller chercher une explication ailleurs, du côté de l’irrationnel…

      Répondre
  3. Valdo

    « littérature » et « poésie »… Édifiant et significatif que ces mots ne soient voués à qu’ironie et au mépris de la part des « décideurs  » actuels. Que tout lyrisme politique soit tourné en ridicule par les mêmes qui s’étonneront par la suite de ce que les électeurs ne soient pas motivés par des taux de croissance ou des chiffres de réducition des dettes. Oh, je l’ignore pas que le lyrisme peut sombrer dans la manipulatin redoutable, mais justement: ne laissons pas à l’extrême droite le seul lyrisme pompier d’une imaginaire franchouillard étriqué! Suis je la seule à r^ver de VIctor Hugo ou de Césaire face à la cohorte grise d’énarques tétanisés par TINA?

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