Tout simplement
Et voilà que revient ces jours-ci dans nos chers médias, la vieille rengaine qui veut se moquer de l’homme de gauche qui ne serait pas pauvre et qui en plus aimerait son petit confort (le cuistre !)
Ces polémiques ridicules m’ont toujours doucement agacé tant elles résument bien l’époque dans laquelle on vit, et dans laquelle, si l’on en croit certains, on ne pourrait défendre que ce que l’on est. Je passe, si vous le permettez (et même si vous ne le permettez d’ailleurs, car c’est mon billet) sur les nombreuses objections philosophiques ou même historiques qui tendraient à démontrer l’absurdité de la chose.
Personnellement, et je ne suis pas le seul dans ce cas, quand je glisse un bulletin dans l’urne, je ne le glisse pas pour moi. Je ne choisis pas tel ou tel programme en me disant qu’il va m’apporter quelque chose à moi, d’abord, personnellement.
Je vote pour un programme qui me semble pouvoir apporter du mieux pour le plus grand nombre, pour l’intérêt général, pour la société dans laquelle je vis (et même, quand je suis d’humeur optimiste, pour le monde entier). On peut parfois même voter contre des intérêts (si si).
Ça fait certainement gauche morale dit ainsi, mais que voulez-vous, c’est vrai. C’est ainsi que j’ai été éduqué, ainsi que j’ai construit mon rapport au monde qui m’entoure et aux autres. Je me considère comme une composante d’un tout, de quelque chose de plus grand, la société, l’humanité.
Et surtout cette vision de la politique en tant que traduction du « moi » dans les urnes m’effraie.
Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’on doit être ouvrier pour défendre les ouvriers ? Femme pour défendre les droits des femmes ? Noir pour combattre le racisme ? Musulman pour combattre l’islamophobie ? Juif pour combattre l’antisémitisme ? Homo pour combattre l’homophobie ? Etc. Etc.
Quelle triste vision du vivre ensemble et quelle réductrice conception de la société et de la vie.
Évidemment, cela peut parfois entraîner en chacun d’entre nous des contradictions entre ce que l’on est aux yeux de la société et ce que l’on voudrait pour cette société.
On a alors deux choix :
- Vivre de ses contradictions. C’est à dire s’en servir pour avancer et réfléchir sur là où l’on est et où l’on veut aller.
- En mourir. C’est la facilité. La fatalité même. On est là où l’on est et puis voilà. Sujet suivant s’il vous plaît. Merci.
J’ose croire, et je le crois, que nombre de citoyens ont les mêmes engagements philosophiques, moraux et de lutte issus de cette conception de l’intérêt général qui devrait toujours, je dis bien toujours, l’emporter sur toute autre considération.
J’entends déjà d’ici ceux qui diront que c’est utopiste, irréaliste et plein de trucs en -iste… que « l’homme est un loup pour loup l’homme » et tout ça, mais je suis plutôt Rousseau (Jean-Jacques hein, pas le Douanier). Et à ceux qui critiqueront ma bien-pensance, je leur répondrais bien volontiers, mais j’aurais peur de devenir vulgaire.
Alors oui, mesdames et messieurs les chantres de l’individualisme à tout crin, les dénonceurs de la bien-pensance, ouvrez grand vos oreilles et accrochez-vous bien fermement à vos claviers, car ce que vous allez lire va vous surprendre : oui, on peut être de gauche sans être miséreux, sans vivre dans un taudis, sans sentir des dessous de bras. Oui, on peut être de gauche et avoir un smartphone, prendre le train en 1ère classe si on en a envie (et parce que pour 2 € de plus sans déconner ça vaut le coup). Il paraît même qu’il y a des gens de gauche propriétaires. (C’est dingue hein?)
Oui, on peut être de gauche et vivre dans et même « du » système actuel parce que figurez-vous que pour le moment, on n’a pas vraiment le choix (il y en a même qui montent des SAS!). Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut oublier de penser le monde et les autres. Ces autres qui n’ont pas choisi leur situation tout comme vous n’avez pas choisi la vôtre.
Car finalement être de gauche c’est une façon de penser qui va du global à soi et non l’inverse. (Je ne vous mets pas la citation de Deleuze, vous la connaissez aussi bien que moi).
C’est lorsqu’on oublie de penser toutes ces choses et leurs causes, lorsque l’on commence à se dire que finalement on est du bon côté de la barrière, qu’on va d’abord penser à sa gueule puis pour les autres on verra, c’est lorsque l’on commence à penser comme cela que l’on devient un con.
Bref, la morale de cette histoire, ami gauchiste, c’est que prendre l’avion en classe affaires, le train en première classe, aller au restaurant de temps en temps et profiter des choses de la vie, même si tu sais que d’autres à ce moment même ne le peuvent pas, ne fait pas de toi un mauvais gauchiste. Tu es juste un humain avec ses contradictions.
Tout simplement.
(Mais tu iras quand même chanter 4 Internationales en implorant le grand Karl pour faire pénitence).
…j’ajouterai que, fort heureusement, il n’est pas nécessaire de se couper une oreille pour apprécier la peinture de Van Gogh. Je fais miens vos mots, bravo et meci.
Je vois que je ne suis pas le seul 😉
@Juan : pas le seul à quoi ?
pas le seul à être trop riche pour être de gauche 😉
Ou pas assez pauvre selon certains ! 😉