Grammaire des cours
Parfois, elle s’envole, se cabre, s’emballe. Timide, elle recule, hésite, tâtonne, reste sur ses positions. Dans les grands jours, elle exulte, monte en flèche, caracole. Versatile, elle peut se montrer fébrile, affectée, même tiraillée. Mais ça ne dure jamais. Elle sait rebondir et revenir en grande forme. Loin d’être insensible, on la découvre parfois, en fin de journée, en train de piétiner, anxieuse. Quand le temps se couvre, elle peut être prudente, voire craintive. Alors, elle baisse la tête, fait de nouveau grise mine.
On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est bien la nouvelle la plus terrifiante du monde.
Gilles Deleuze
Tu l’auras deviné (ou pas), je te parle de la Bourse, du cours du Brent ou de l’action de l’Oréal, comme en parlent quotidiennement les médias.
En fin de journal radiophonique, inlassablement, on te parle de la Bourse comme d’un être vivant. Je me suis longtemps amusé de cette personnification dont elle fait l’objet avant de prendre conscience de la puissance de ce procédé dans la construction de nos représentations.
Évidemment, la personnification des marchés, des cours des matières premières ou même des entreprises, est loin d’être neutre. Elle participe à l’inscription des mécanismes les plus fondamentaux du capitalisme dans un ordre naturel, débarrassé des acteurs qui les activent, des rapports sociaux qui les construisent. On oublie les spéculateurs, les fonds de pension, les grandes banques et les petits porteurs. On oublie les profits faits sur la variation d’une monnaie, sur la chute d’un cours. On oublie les plans sociaux que la Bourse « salue ».
En autonomisant les structures des rapports sociaux, le langage médiatique lui donne une vie propre, une existence de fait. En cela, il fait échapper à l’analyse le rôle que chacun des acteurs y joue et les intérêts qui y sont en jeu. Mais il exclut aussi sa transformation par des forces exogènes, voire sa fin.
Selon son vocabulaire, il ne faudrait donc plus fermer la bourse mais bien la tuer.
Mots-clés : médias, Novlangue, vocabulaire
Bien vu !
Oui on aime le confort des « mythes » déresponsabilisants
Un thème qui me tient à coeur
Du coup ça m’a inspiré cette réflexion en écho
http://opinions-opiniez.blogspot.fr/2014/11/le-privilege-de-lirresponsabilite.html
Merci à vous !
Bravo, c est un plaisir de vous suivre