Généalogie
À l’issue de la première guerre mondiale, à la demande du gouvernement français qui souhaitait un interlocuteur représentatif du patronat, fut créé le CNPF, le Conseil National du Patronat Français. Georges Villiers, président de la Métallurgie du Rhône avant-guerre en sera le premier président, il le restera pendant vingt ans.
Yvon Gattaz en a été président de 1981 à 1986 :
Ce qu’il faut abaisser à tout prix ce sont les dépenses publiques, c’est ça le vrai problème.
Les charges des entreprises, on n’arrive pas à les réduire en France, il faudrait les alléger.
Vous savez que les bénéfices d’aujourd’hui feront les investissements de demain, et feront le chiffre d’affaires et l’emploi d’après demain.
François Perigot, son successeur de 1986 à 1994 :
Si vraiment la crise s’accentue et se prolonge, il faudra faire davantage, il faudra revenir à davantage de rigueur en matière de dépense publique.
Il faudra, pour que les entreprises ne soient pas celles qui fassent les frais de l’opération et que l’ensemble de la nation les aide à assumer ces nouvelles responsabilités, il faudra avoir une politique très différente que celle que l’on a eue lors des précédents chocs pétroliers.
Nous vous avons demandé de bien vouloir continuer comme vous le faites à appliquer une politique qui aille dans le sens d’un allègement des charges des entreprises et d’une plus grande liberté de gestion.
Jean Gandois en fut le dernier dirigeant, entre 1994 et 1997, les 35h lui ayant fait claquer la porte :
Il faut alléger le fardeau des charges […] libérer les entreprises de contraintes sociales trop pesantes ou trop bureaucratiques.
L’État doit arrêter de se disperser et doit se recentrer sur sa vocation essentielle.
Les 35 heures, c’est une augmentation du coût du travail et par conséquent c’est une augmentation dramatique du chômage, et c’est en même temps une délocalisation des investissements.
Ernest Antoine Sellière a transformé le CNPF en MEDEF (Mouvement des Entreprises de France), il en a été le premier président de 1997 à 2005 :
Je pense qu’il faut aller vite dans la réforme de l’État pour dépenser moins, réduire les dépenses publiques. C’est bien entendu la seule manière véritablement efficace de faire en sorte que l’on ait moins de déficit.
La baisse des charges est la mesure qui crée le plus d’emplois.
Laurence Parisot a pris la relève en 2005 jusqu’à 2013 :
Nous avons besoin de faire des économies. La France est addicte à la dépense publique et il faut qu’on sorte de cette logique-là.
Nous proposons d’agir simultanément sur quatre paramètres. D’un côté, on baisserait à la fois les charges patronales et les charges salariales. De l’autre, on augmenterait légèrement la CSG et la TVA hors produits de première nécessité.
Depuis quelques mois, Pierre Gattaz (le fils du premier, la boucle est bouclée) lui a succédé :
Le vrai problème, c’est l’ensemble des dépenses publiques. Je rappelle quand même que c’est 1250 milliards, les dépenses publiques aujourd’hui ont dérivé, depuis trente ans.
Il est impératif d’avoir des mesures de baisse des charges.
Les entreprises sont asphyxiées en France avec des marges de 28 % par rapport à 40 % dans la moyenne européenne.
Nous savons que c’est l’entreprise qui crée de l’emploi.
François Hollande, Président de la République, lors de ses vœux aux Français le 31 décembre 2013 :
D’abord, je veux réduire la dépense publique. Nous devons faire des économies partout où elles sont possibles. Et j’ai la certitude que nous pouvons faire mieux en dépensant moins.
C’est pourquoi je propose un pacte de responsabilité aux entreprises. Il est fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social.
Tu la sens la filiation ?
Depuis trente ans, le patronat nous promet qu’une réduction des charges serait le remède miracle pour créer de l’emploi.
(On ne dit plus cotisations, c’est vulgaire, même quand on est un « socialiste ». Sur le terrain du vocabulaire, la gauche a perdu une bataille, mais ce n’est pas le sujet de ce billet).
En lisant un rapport à la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale de juin 2009, on note que, depuis 1980, les cotisations patronales n’ont fait que baisser, comme le confirme également cet article du Monde.
En mettant sur un même graphique (François Lenglet, sors de ce corps !) l’évolution du taux de chômage et celle des taux des cotisations patronales et contributions sociales pour un SMIC, on obtient quelque chose comme ça :
On voit très bien que ces courbes sont parfaitement parallèles.
Non ?
Bon…
On continue comme ça ou on essaye autre chose ?
Démonstration d’une redoutable efficacité !
Et cette remarquable simplicité devrait faire pièce à tous les blablas sans fins sur le rasl’bol fiscal, les charges qui les étouffent, etc que nous ressassent les journalistes « sérieux » et analystes des medias mainstream ………. mais il n’y a pire sourds que ceux qui ne VEULENT pas entendre !
N’empêche, je diffuse ce super petit billet ….
Merci
Je pense que la courbe (en rouge) du graphe est très optimiste :
http://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2013/12/G3-ChomCVS.jpg
http://russeurope.hypotheses.org/1865
La courbe rouge a été réalisée à partir de ceci.
C’est donc optimiste, oui.
Pas voulu être trop accablant. Je suis un gentil, on ne se refait pas…
Il ne faut pas prendre comme référence le SMIC, qui fait l’objet d’allègements spécifiques depuis 1993.
Il ne faut pas… tss tsss… je suis un peu chez moi ici et je fais quand même un peu ce qu’il me plait.
Blague à part, quand Pierre Gattaz déclare « On va créer 1 million d’emplois nets sous cinq ans« , je suppose qu’il ne s’agit pas d’emplois hyper payés (entre nous, je suppose même que c’est du flan) mais plutôt de bas salaires, de SMIC. Je prends donc la courbe du SMIC.
Évidemment c’est biaisé. Soit. J’assume ma partialité.
Regardons alors ce graphique de Jean-François Couvrat (journaliste économique) qui prends les données de l’Insee, sur 30 ans, les cotisations employeurs (courbe bleue) ont baissé.
Avons nous noté un effet sur le taux de chômage ? Je n’en ai vraiment pas l’impression.
Très intéressant, merci pour ce récap très édifiant.
En dehors du chomage, on pourrait ajouter en parallèle sur la courbe la montée de la part des dividendes dans le PIB au fur et à mesure des baisses de charge, pour montrer que cette baisse du cout du travail se traduit par une hausse du cout du capital plutot que par des emplois.
Merci en tout cas et ça m’a permis de découvrir ce blog.
Merci.
Je crois que le graphique dont je laisse un lien dans le commentaire précédent (réponse à estelle92) pourrait vous plaire.
Bienvenue chez nous.
Au niveau statistique il est un peu biaisé de prendre le taux de chômage tel quel.
Les réductions Fillon sont maximales pour le SMIC puis se réduisent jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Il faudrait donc comparer les reductions de charge avec le taux de chômage des travailleurs dans cette gamme de salaire.
Pour améliorer encore, il faudrait même comparer la baisse des charges avec le nombre de creations nettes d’emplois annuel sur cette catégorie de salaires avec une correction dépendant du PIB (grossier mais rapide).
La comparaison sera alors bien plus claire, et donc une meilleure preuve de l’inefficacité des réductions de charges.
Entendons nous bien, je suis un rigolo.
Ceci dit, quand François Lenglet produit des prévisions économiques positives sous prétexte que nous sommes entrés dans une année en 4. Je me dis que si on le remplaçait par une grenouille dans un bocal avec une jolie échelle, les analyses seraient peut être plus pertinentes.
Ça relativise les statuts d’expert et de rigolo.
Mon graphique pourrait évidemment être amélioré. Je ne suis pas assez pointu pour me permettre de me lancer dans une analyse trop approfondie, je l’avoue sans complexe.
Merci pour vos précisions. Je les gardes sous le coude, peut être pour un prochain billet, sinon pour mon enrichissement personnel.
Merci pour votre réponse, en effet le soi-disant expert est affligeant… Et j’apprécie sincèrement votre honnêteté.
Il ne faut pas oublier que le seul moyen de lutter contre l’indigence des médias est d’apporter une argumentation claire portée par des faits irréfutables. Les inexactitudes sont loin d’être fatales pour ceux qui occupent hégémoniquement l’espace, mais elle le sont pour nous qui luttons dans l’angle mort.
J’espère que vous pourrez, lors d’une prochaine occasion, nous apporter la preuve irréfutable de l’inanité de cette mesure incantatoire.
Merci
Comme prévu, mes deux centimes sur la vacuité de cette comparaison. Le préalable: toutes les organisations ont une courbe de vie: elles naissent (par exemple un entrepreneur se lance), grossissent (donc très probablement embauche), arrivent à maturité (commence à limiter la masse salariale) et finissent par décroître et mourir (organisations disruptées par une nouvelle technologie, dépassées par la concurrence ou un changement démographique, que sais-je); bref aucun emploi n’a vocation à être éternel, le brassage des jobs et des actifs fait partie de l’évolution de la société. Ce qui veut dire au niveau macro qu’en permanence dans la société il y a deux tendances qui se côtoient: d’un côté les créations de nouveaux emplois et de l’autre la disparition d’anciens emplois (on parle des emplois mais il en est exactement de même avec des actifs). Le taux de chômage n’est que le résultat du différentiel entre ces deux tendances: si les emplois qui disparaissent le font plus vite que ce que les nouveaux emplois ne sont créés, le chômage augmente, et inversement (c’est le cas en Suisse qui, au plein emploi, à recours à l’immigration pour combler le manque de main d’oeuvre).
Si on a compris ça, on a compris qu’il ne fallait pas étudier le chômage en soi, mais les dynamiques antagonistes de création / disparition d’emplois qui coexistent en parallèle. Les leviers de chaque tendance sont nombreux, parfois entrelacés, souvent difficiles à identifier. On sera à peu près d’accord pour dire que les grappes d’innovation ont tendance à détruire beaucoup de jobs (ex: la mécanisation de l’agriculture), de même que la déflation ou le fait de taxer lourdement le travail lorsque l’on a le choix d’embaucher ici ou dans un pays à la fiscalité plus raisonnable. Entre autres. A l’inverse, lorsque l’on est une zone économique moins chère que la voisine, lorsque l’inflation pointe son nez, et/ou où l’entrepreneuriat est encouragé, on observe des créations massives d’emplois (ex: la silicon valley qui n’arrive tellement pas à trouver d’employés que les salaires explosent, les ruées vers l’or au 19ème, ou les zones de boom miniers (Australie) ou pétrolifère (North Dakota)). Entre autres.
Regardons le cas de la France. Si on veut limiter la consommation de cigarettes, on les taxe. Si on veut diminuer le travail, on le taxe. Oh wait, c’est ce qu’on fait. Un focus sur le Smic, en triturant les chiffres pour leur faire dire ce qu’on veut, semble mettre en évidence des baisses de charges: c’est à replacer dans le contexte global d’une hausse continue des charges totales sur le travail du salarié moyen depuis 60 ans (https://pbs.twimg.com/media/BdaOjHSIAAARCUC.jpg). Au niveau global, le travail n’a jamais couté aussi cher, par ailleurs les règlementations sur l’embauche sont très contraignantes, décourageantes, l’innovation technologique bat son plein et le contexte européen de la monnaie unique (dont la masse est très, très insuffisante) font que la dynamique de destruction d’emploi est très forte, là où la dynamique de création d’emploi est découragée, taxée, et montré du doigt (« entrepreneur » est encore un gros mot pour bien des gens en France, qui devraient se demander comment est apparue la boulangerie au coin de la rue si ce n’est pas une initiative entrepreneuriale). Le résultat est évident: beaucoup de chômage, des entreprises qui rechignent à embaucher, des diplômés qui vont chercher des perspectives à l’étranger, etc. Dans ce contexte là, que vont représenter quelques pauvres baisse de charge sur les smic ? Une goutte d’eau dans l’océan. Peanuts. Rien. Ou peut-être un petit peu. Précisément on ne peut pas le savoir tout simplement parce que les effets de telles mesures sont quasi-impossibles à quantifier tant les leviers influant sur les créations d’emploi sont nombreux et variés, et dont les poids respectifs sont très difficiles à estimer. Si on vous réduit les charges de quelques % sur une poignée de salariés mais que d’un autre côté les banques refusent de prêter, les perspectives économiques sont mauvaises, et l’ambiance vous est clairement hostile, allez-vous embaucher ? Bien sur que non. Donc comparer le taux de charge avec le chômage est complètement absurde: ces deux variables ne sont pas directement corrélées, et beaucoup, beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu. La seule chose qu’on peut postuler, c’est que si on veut de l’emploi, il faut (conditions nécessaire mais pas suffisante) que les conditions de sa création soit réunies: bonne politique monétaire, cadre juridico-fiscal stable clair et raisonnable, employés potentiels compétents, etc. Et ce qu’on peut aussi postuler, c’est ce que si on fait tout pour décourager la création d’emploi (taxer le travail à des taux très supérieurs à la moyenne de nos voisins, restrictions monétaires, climat anti-entreprises, etc) et bien on découragera la création d’emploi, la dynamique de destruction des anciens emplois prendra le dessus et on aura du chômage. Ici comme souvent, la réalité est plus compliqué que ce que vous aimeriez faire croire. Respectueusement votre.
Merci pour ce commentaire.
J’avoue, qu’en recopiant la courbe concernant le SMIC issue du rapport dont je laisse le lien dans le billet, je biaise, un peu. C’est chez moi ici, je fais de la propagande.
Somme toute, si vous lisez le billet du Monde (en lien également) vous noterez que les allègements de cotisations dont ils parlent vont jusqu’à 1,7 fois le SMIC, et que la courbe baisse également.
Je vous laisse ici une conversation que j’ai eue sur twitter avec JF Couvrat (journaliste économique) à propos de ce graphique qu’il avait publié. Il utilise les données de l’Insee. Si la courbe ne baisse pas aussi fortement que dans le mien, elle baisse tout de même et l’on notera que les profits distribués on bien davantage profité que l’investissent (et l’emploi).
Vous prétendez que la baisse des cotisations encouragerait la création d’emploi. Je pense modestement qu’un carnet de commande rempli y contribuerait davantage.
Vous avez l’air de penser qu’un retour au plein emploi est possible (Pensez-vous aussi qu’il est possible que la croissance revienne ?), je crois que ce temps est révolu et qu’il est temps de changer de modèle.
Enfin, quand vous prenez l’exemple de la Suisse, j’espère que vous n’êtes pas sérieux.
Merci de votre réponse.
Une baisse de charge seule, ceteris paribus, n’aurait peut être pas beaucoup d’effets, quoi que tout dépend de son ampleur. Un carnet de commande bien rempli peut venir d’une politique monétaire plus accommodante, et de manière générale d’un optimisme qui pousse les gens à consommer et les entreprises à dépenser. Quand les impôts changent tout le temps, on tombe dans l’attentisme par précaution, et ça n’aide pas les carnets de commande à se remplir. Je dis par contre que l’emploi est un tout: il faut non seulement que le travail ne soit pas trop découragé par des taxes, qu’il y ait suffisamment d’argent dans le système, que l’ambiance ne soit pas hostile aux entreprises, au risque, aux initiatives privées, etc. Pour moi comme pour tous les monétaristes un frein majeur à la création d’emploi est l’euro qui a amené l’Europe à genoux, pour les raisons que l’on sait. L’hubris des politiciens est le premier responsable du chômage, si le but était de réhabiliter la légitimité des pouvoirs publics à prendre des décisions pour la société civile, c’est plus que raté.
Le plein emploi est aujourd’hui même une réalité dans plusieurs pays dans le monde, et il n’y a aucune raison pour qu’on n’y revienne pas, moyennant qu’on réforme ce système pour qu’il laisse la latitude nécessaires aux individus pour s’organiser entre eux, localement. Il y a à la fois un frein macroéconomique (l’euro, l’austérité) et microéconomique (trop de rigidité aux évolutions des marchés).
La croissance c’est encore plus simple: elle ne peut venir que de deux leviers: une croissance démographique suffisante (merci l’Afrique sur ce point) ou des augmentations de productivité grâce à l’innovation technologique: celle-ci bât son plein et les gains de productivités qui arrivent dans les entreprises en ce moment même (robotisation, smart grid, transports autonomes, cloud computing, big data, 3d printing, etc.) sont tout simplement gigantesques, du même niveau que ce que l’occident a connu avec l’invention de la machine à vapeur ou de l’électricité. Les pays qui misent sur l’innovation (en tête de liste les USA, Singapour, la Suisse, etc) ne peuvent que croître, et ce à des niveau très confortable, c’est mathématique. Et oui, la Suisse est un pays qui fonctionne, d’autant plus que depuis que leur secteur bancaire s’est nettoyé et a rétrécit, plus personne ne peut crédiblement nier que leurs industries et services sont exceptionnels sous tous rapport. Le plein emploi et des impôts raisonnables en prime.
Bien à vous.
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