En creux
Tu auras noté que c’est le calme plat par ici, depuis les dernières deux élections en gros.
Coïncidence ? Je ne crois pas (j’ai écrit plus de 5000 mots sur la question, qui ont tous fini à la poubelle, même si je les recyclerai peut-être un jour—mon côté écolo). En même temps, on est tous accaparés par des trucs accaparants, et on s’est toujours dit qu’on ne publierait que lorsqu’on aurait quelque chose à dire, ou le temps, ou l’envie de le faire (de préférence les trois à la fois).
Pour ma part, quand je relis des billets d’il y a un an, je suis frappé par la drôlerie, les efforts de pédagogie, la soif de convaincre ; ils portaient tous en creux l’espoir même infime qu’on n’était peut-être pas condamnés au pire, qu’on pouvait contribuer à notre petit niveau à déclencher ou entretenir des dynamiques positives (les fameux #PlanB).
Mais nous voilà, coincés entre la droite au pouvoir et les mafieux et les fachos en embuscade, pendant que la gauche est entrée en dépression nerveuse, ne serait-ce que parce que Hollande et sa politique de droite dans absolument tous les domaines—économie, écologie, social, immigration, culture, Internet, terrorisme, politique étrangère—a sans doute souillé la notion même de gauche pour longtemps, tandis que la démocratie, au niveau national, européen et international, est bafouée tous les jours au nom de la démocratie, et lorsqu’on souille la démocratie, le pire des systèmes à l’exception de tous les autres à en croire Churchill, on légitime en creux les pires alternatives.
Notre monde n’est plus qu’un amoncellement fractal de boucles à rétroaction positive négatives, qui amplifient les peurs, les angoisses, les haines, les jalousies, les convoitises, les replis, les égoïsmes, et qui rendent la recherche de la légèreté, du plaisir, de la tolérance ou de l’amour de plus en plus difficile, poursuites par ailleurs ô combien suspectes, naïves, improductives, néfastes et suicidaires, parce qu’on doit tous faire des efforts, j’te rappelle. Or, quand la flânerie, la rêvasserie, le rêve, les interrogations philosophiques, l’art, la recherche fondamentale ou encore l’humour sont déconsidérés, attaqués, ridiculisés, marginalisés, c’est le propre de l’Humain, ou du moins le peu de noblesse dont notre espèce est capable, qui est bafoué, étouffé, anéanti.
Ne reste plus alors que l’Humain prédateur et l’Humain proie.
Et le plus dingue est que mis à part quelques psychopathes et sociopathes, certes sur-représentés dans les sphères du pouvoir politique et économique, personne ne choisirait de vivre dans un monde pareil. On ne naît pas socialiste, mafieux, facho ou dépressif, on le devient. On a tous besoin d’être respectés, admirés, aimés, alors que nous vivons dans un environnement qui ne fait que souligner nos insuffisances, nos défaillances, nos défauts, pour qu’on ferme bien nos gueules, pour qu’on vote comme il faut et pour qu’on continue à acheter et consommer de la merde et encore de la merde et toujours plus de merde inutile et néfaste.
Finalement, on pourrait se dire que tous ceux qui baissent les bras et boudent désormais la politique ont raison, sauf que comme le disait Einstein, « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire ».
Caramba, encore raté !
Donc désolé, mais même si l’horizon est bouché (normal, on est plantés dans le mur), même si les cons ont gagné, même si des pires cons gagneront sans doute demain, il semble bien qu’on n’ait pas le choix : dépression nerveuse ou pas, cause perdue ou pas, il faut continuer à dénoncer la lâcheté, la tartufferie, la veulerie, la malhonnêteté, l’ignominie et la connerie, il faut arrêter d’attendre que les solutions viennent d’en haut et il faut apprendre à voter avec son portefeuille et sa télécommande (ces deux derniers points s’adressant plus particulièrement aux Français qui me lisent), il faut militer, pétitionner, manifester, défiler, gueuler, interpeller sur les zinternettes et ailleurs, il faut respecter et aimer par défaut les gens autour de soi, il faut se rappeler et rappeler sans cesse que les #PlanB existent, qu’on les a rencontrés, et que la difficulté n’est pas de les imaginer, mais de les fédérer et de les imposer, et chemin faisant, il faut parvenir dans la mesure de nos moyens à rire, pleurer, ressentir, lire, écrire, écouter, chanter, dessiner, tweeter, danser, baiser, bloguer, apprendre, enseigner, trier ses déchets et putain de bordel de merde à ne pas les laisser nous voler ce qui nous reste d’âme, même si en creux, tu auras bien compris que la question qui me taraude et que je pose régulièrement sur Twitter est en réalité la suivante :
C’est quand déjà qu’on fait tout péter ? #MondeDeCinglés
— sknob (@sknob) 10 Juin 2014
Mots-clés : dépression
Beau billet
Mais cette génération tarde à générer ses leaders catalyseurs ceux qui font naître l’espoir dans l’action
De Kennedy à Dylan ou Lennon
du Che à Coluche
de Cohn Bendit à Renaud
et c’est un signe que la société civile, celle où interviennent les citoyens, s’évapore. Comme ce Président, ectoplasme d’une Finance en transe
Alors ?
L’eau monte.
Mouaih… en même temps, vos bras ne sont pas ouverts. C’est peut être ça…
Très très beau texte à appliquer de toute urgence.
Merci.
Sur ta dernière question : »c’est quand déjà qu’on fait tout péter? »
Il y a une réponse pour le moment :
« Armons-nous et allez-y ».