De la pédagogie
Je ne me targuerais pas d’être un expert en la matière, mais il se trouve que c’est un peu mon métier. Alors je vais essayer de m’en servir ici, une fois n’est pas coutume, rassure-toi. Je tente une vulgarisation à outrance, que les puristes veuillent bien me pardonner. #MeaMaximaCulpa
Définissons la chose, veux-tu ?
Si on part de l’étymologie, la pédagogie c’est « élever, mener des enfants », comme ce n’est pas très heureux dit comme ça, on s’accorde sur « l’art d’éduquer », la somme des méthodes, pratiques et qualités qui permettent de transmettre une connaissance. Un savoir tout court, mais aussi un savoir-faire ou pourquoi pas un savoir-être.
Tu suis ?
Je t’en remets une couche.
Quand on se trouve en situation de transmettre quelque savoir que se soit, on se retrouve (même sans le savoir) à jongler à l’intérieur du triangle de Jean Houssaye.
D’un côté, tu as celui qui doit apprendre, nous l’appellerons l’élève.
De l’autre, celui qui doit enseigner ; par commodité, nous l’appellerons l’enseignant.
Du troisième côté, c’est la chose à apprendre ; par facilité, nous l’appellerons le savoir.
Du savoir à l’enseignant, c’est le processus didactique, gestion de l’information.
De l’enseignant à l’élève, c’est le processus « former », celui de la pédagogie.
De l’élève au savoir, c’est le processus « apprendre », assimilation, construction et tout le bataclan.
Comme un petit dessin vaut mieux qu’un long discours, je te pose ça là :
Tu es toujours là ? Bien.
Tu ne le sais peut-être pas, mais il existe une foultitude de doctrines pédagogiques différentes. Je te balaie ça vite fait.
Au commencement (1600 et des poussières) était la « pédagogie traditionnelle ». Se basant sur un modèle transmissif, elle présuppose la neutralité de l’élève et la non-déformation du savoir transmis. L’enseignant expose, l’élève retient. C’est gagné. (En vrai, ça ne marche pas trop bien ce type de fonctionnement magistral type cours de fac avec des choupis-minis, mais je ne m’étale pas trop tu vois)
Un siècle et demi plus tard, Rousseau, avec son Émile, prône la « pédagogie négative » (ou non directive comme on dit aujourd’hui). La nature c’est bien, éducation par les choses, l’homme naît bon. (Je vais très vite, je sais). On laisse croître. L’important n’est pas tant la réponse, mais la question à laquelle elle répond. Dans les années 1920, on radicalise les thèses de Rousseau à Hambourg ou à Summerhill, pédagogie libertaire, auto-éducation. (va voir la vidéo en lien, ça te fera du bien)
En 1907, Maria Montessori (#keurs sur elle) invente une méthode dite ouverte. On fournit un cadre adapté aux besoins psychologiques de l’élève, on respecte le rythme et les particularités de chacun. On (ré)invente du matériel spécifique et adapté. L’enseignant est le plus en retrait possible afin de favoriser l’autonomie. L’élève peut contrôler lui même ce qu’il fait.
Nous voici aux alentours de 1920, on avance, on avance. Jean Piaget et le constructivisme inspirent une pédagogie active. « Tout ce qu’on apprend à l’enfant, on l’empêche de l’inventer ou de le découvrir. » On rend l’élève acteur de ses apprentissages. Démarches poursuivies par Célestin Freinet, les promenades scolaires, l’imprimerie à l’école, le dessin libre, le tâtonnement expérimental… On considère que d’étudier d’abord les règles, c’est placer la charrue avant les bœufs.
Années 1930, Lev Vygotski débarque avec le socio-constructivisme. Il est un héritier de Piaget et considère qu’il faut prendre en compte le champ social. Il crée le concept de « zone proximale de développement », c’est vraiment super intéressant, mais comme je vois que tu commences à décrocher, je m’arrête là. Je te fais confiance, tu iras creuser le sujet de ton côté.
D’ailleurs, je vais te faire grâce de la « pédagogie par objectifs », la « programmation neuro-linguistique », la « pédagogie différenciée », la « PRS », la « pédagogie spiralaire » ou la « gestion mentale »… Je sens que je te perds, je dois approcher des 600 mots, je laisse le feuilletonage aux autres, c’est pas mon genre de faire le malin tavu ? #humhum
Revenons à nos moutons (Nos moutonsses en fait, as-tu noté la photo que j’ai mise en une ? Non ? Tu retourneras sur la page d’accueil tantôt.). La pédagogie c’est chouette, il y a plein de trucs à essayer et aussi (surtout ?) plein de trucs à rater. Plein d’expériences à faire, plein de certitudes à défoncer à coups de genoux. Et, oui, j’aime ça. Alors quand j’entends le politique du moment me dire :
« Ce qu’il nous a manqué, c’est de la pédagogie »
ou bien
« Il nous faudra faire preuve de pédagogie pour que les Français [termine cette phrase tout seul] »
Et bien ça me brûle de l’intérieur et mon petit cœur pleure des larmes de sang.
Celui qui prononce ces mots ne veut rien t’apprendre, il veut te persuader qu’il sait mieux que toi.
C’est moche.
Faisons un pacte, veux-tu ? (Pédagogie du contrat…) La prochaine fois que tu entends le mot pédagogie utilisé à mauvais escient, tu coupes le son. Mon petit cœur te remercie d’avance.
Mots-clés : vocabulaire
Et dire que j’avais loupé ce billet ……..
Z’avez noté que les politiques qui utilisent le plus ce « nous avons manqué de pédagogie et c’est pour ça que les français (complétez à votre choix) » sont souvent ceux qui, lorsqu’il s’agit d’éducation, critiquent à qui mieux mieux les affreux adeptes d’un soi-disant pédagogisme ????