Chère Juliette
« Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi on devrait bosser pour les autres. Ce n’est pas de l’égoïsme […] » – Juliette.
Laissez moi vous présenter Juliette, 22 ans, étudiante en communication visuelle. J’ai fait la connaissance de Juliette un dimanche matin (ouais ok, vers 12h) en lisant dans Marianne un dossier sur « ces électeurs de droite qui rêvent d’un putsch ». On peut admirer dans ces quelques mots la puissance d’analyse politique de Juliette. Et on sent toute l’expérience d’une vie entière à cotiser pour les autres…
Que Juliette soit un peu coconne est une chose. Qu’elle pense vivre en dictature socialiste, croulant sous les impôts (comme le dit son papa interviewé dans l’article, et qui pense à s’exiler à Jersey) est également concevable, à défaut d’être compréhensible. J’aimerais bien dire quelques mots à Juliette.
Les voici :
Le temps ne fait rien à l’affaire.
Quand on est con, on est con !
Qu’on ait 20 ans, qu’on soit grand-père
Quand on est con, on est con !
Chère Juliette (oui chère, parce que comme enfant française, tu as coûté cher à la société, pour ta santé, ton éducation…) as-tu si peu conscience de faire partie d’une société pour avoir un raisonnement si étriqué ? Imagine un instant que tous ces gens qui font un travail d’intérêt général (je ne dis pas fonctionnaires volontairement pour ne pas te braquer) avaient le même schéma de pensée que toi. Imagine que les postiers, les éboueurs, les infirmiers, les urgentistes, les professeurs, les agents d’EDF, les magistrats,… se disent d’un coup: « pourquoi devrions-nous bosser pour que la petite Juliette puisse avoir accès à un certains nombres de services publics qui lui permettent de vivre confortablement. Après tout qu’est-ce que ça nous rapporte à nous ? Que gagnons-nous à rendre ces services accessibles? »
Oh je t’entends venir, tu n’en a pas besoin toi. Tu pourrais te débrouiller seule pour subvenir à tes propres besoins. Peut-être (ou pas). Mais vois-tu Juliette, nous vivons dans une structure collective que nous nommons société. Et dans laquelle un des principes de base est que le travail de chacun est censé améliorer la vie collective. On appelle ça l’intérêt général, ou le bien commun. Et vois-tu Juliette, le plus drôle dans tout ça c’est que du haut de tes 22 ans, tu n’as pas encore commencé à bosser ni pour toi, ni pour les autres, et pour le moment, tu dois plus à la collectivité qu’elle ne te doit. Souviens t’en. Ça te fera peut-être râler de l’admettre car cela t’obligera à te penser en tant qu’individu certes, mais appartenant à un quelque chose de plus grand que toi. Ce quelque chose, on appelle ça Société.
Tu vois Juliette, moi aussi je travaille. Pour moi certes, mais pas que. Je trouve ça très bien que lorsqu’on a la chance d’avoir un boulot et de gagner sa vie (tu nous diras ce que t’en penses quand ça t’arrivera) on participe, en principe, à aider ceux qui ont moins de chance et qui traversent une période difficile. Appelle ça chômage, ou volonté de ne pas travailler comme tu le dis dans l’article, je m’en fous. Ce qui m’intéresse c’est l’idée plus large (certes mise à mal en ce moment) de participer à un modèle de société qui est censé assurer à tous un minimum vital.
Tu vois Juliette, toi et moi n’avons pas une grande différence d’âge, et ce qui me désespère le plus c’est l’archaïsme et le conformisme total de ta non-réflexion. Si jeune et déjà si conne vieille. Mais je ne t’en veux pas. Tu n’es que le symbole d’une génération, d’une époque, bercée par la pensée unique libérale, qui, depuis 40 ans, nous inculque que le système dont je te parlais quelques lignes plus haut est désuet, dépassé, et sans avenir. Ce n’est pas que de ta faute si tu penses ça. En revanche c’est de ton entière responsabilité d’être incapable, à aucun moment, de voir plus loin que ça. De te poser un instant et de te penser par toi-même : Pourquoi nous dit-on cela ? Qui nous dit cela ? Dans quel but ? Pour quels intérêts ?
Quant à la première partie de ton témoignage Juliette, sur les hommes politiques de droite « qui sont plus concrets et font ce qu’ils disent. Travailler plus pour gagner plus, moi je suis vraiment pour. » je ne prendrais même pas la peine d’y répondre Juliette. L’histoire récente et 10 ans de droite le font bien mieux que moi.
Mots-clés : Sombre Conne