Changer la donne
La Nouvelle Donne. Pierre Larrouturou quitte donc le PS où il incarnait une voix discordante, quasi-symétriquement opposée à la ligne social-libérale tenue avec force par le gouvernement. Il était entré au PS après le 21 avril 2002, croyant à une remise en cause profonde du parti, l’avait déjà quitté une fois pour EELV, las de l’absence de projet de société. Il était revenu au PS l’année dernière, à l’orée des présidentielles, pour porter un projet ambitieux en son sein. Re-las, il jette l’éponge.
Depuis 2012, il animait avec ses compères hétéroclites le comité Roosevelt qui, même s’il attirait de nombreuses sympathies, peinait à remplir son objectif : peser sur les partis, en particulier sur le PS et ses orientations politiques.
Courageusement, Larrouturou prend acte de l’inefficacité de la stratégie de l’influence pour opter pour une stratégie plus dynamique de conquête politique. On ne peux que saluer ce choix, celui des idées. Bien sûr, on peut regretter qu’il ne cherche pas (encore?) de convergence avec le Front de Gauche. On peut s’interroger sur l’avenir de ce nouveau parti et sur l’espace politique qu’il souhaite occuper. Mais préférer l’inconfort de l’inconnu à la douillette maison de Solférino n’est pas rien. Chapeau bas donc.
J’en vois déjà qui au mieux se moquent, au pire vilipendent. Ce choix « diviserait la gauche », ce nouveau parti serait « inutile ». Ce ne serait qu’un « témoignage ».
Ce sont les mêmes qui encensent aujourd’hui Christiane Taubira, caution de gauche ultime du gouvernement, alors qu’ils la traînaient dans la boue en 2002 quand Jospin se prenait la claque que nous savons.
Selon le vieil adage de la paille et de la poutre, jamais ils ne se demandent pourquoi la gauche est divisée, quel rôle y joue le PS, quelle est la liberté de l’expression de la gauche du PS, au sein du parti comme à l’assemblée.
L’initiative de Larrouturou a fait remonter dans ma mémoire une belle citation croisée dans une lecture récente :
Est-ce que tu sais comment on chasse les grives en Provence ?
On en prend une, on ne lui fait pas de mal, on la met dans une cage, et durant l’hiver on attache la cage à la plus haute branche de l’arbre. La grive est en plein ciel et chante « librement ». Le résultat ? Toutes les grives qui passent dans le ciel se posent sur l’arbre. Le chasseur les tue. Le chasseur ne tue pas la grive qui chante. Il tue les autres.
Louis Althusser, interviewé dans L’Unità, 1er février 1968
Althusser utilise cette métaphore pour illustrer la manière dont la presse bourgeoise rend inoffensive les théories révolutionnaires, « en les digérant ». Elle sied très bien à la gauche « d’influence », celle qui tente en vain et contre les faits de peser pour faire basculer à gauche la ligne de la droite complexée.
La grive, au sein du PS, je la vois très bien. On pourrait même lui donner un nom. Ou un prénom. On l’appellerait Gérard tiens, Emmanuel ou Benoît.
La grive, c’est la gauche du PS, c’est aussi EELV depuis peu ou les militants du PC qui ont choisi l’alliance avec Hidalgo à Paris.
Le bilan de cette stratégie du chant en cage est maigre, voire nul. Où sont les grandes mesures écologistes proposées par le PS ou menées par le gouvernement ? Quel a été l’impact des larmes de crocodiles et des indignations sur les retraites ou l’ANI ? Jusqu’où faudra-t-il aller pour que les grives comprennent qu’elles desservent les idées qu’elles défendent en devenant les danseuses de la ligne la plus centriste du PS, qu’elles sont leurs bonne conscience, leur caution opposable à toute autre force de gauche qui tenterait de créer une dynamique ?
Alors, parce qu’ils sont si peu. Parce que quand seront partis tous les écœurés, il ne restera plus que les écœurants, je dis bravo à Larrouturou d’avoir ouvert la cage. Que les autres suivent !
j’ai Googlé +1 , et même Facebooké le truc par ce que ça ne contient pas d’insultes, de mépris et pourtant il y’a des noms d’oiseaux. Bel exercice !
Le leurre et l’argent du leurre, encore et toujours. Bravo.
Il faut y croire ?
Attendons.
Disent les mêmes choses ou presque que le FDG mais n’en parlent pas.
On verra.
On voudrait y croire….
Il me semble que ce qui nous différencie c’est qu’ils sont Keynésiens, donc pas contre le capitalisme qu’ils pensent pouvoir être aménagé…. compatible avec le centre gauche….et encore éloignés d’une réflexion écosocialiste.
Merci d’avoir pointé l’important : « je dis bravo à Larrouturou d’avoir ouvert la cage. Que les autres suivent ! »
Bonsoir, Quand Larrouturou est interrogé sur « pourquoi un autre parti alors que vos propositions sont si proches de celles du Front de Gauche ? », il répond : « Melenchon veut tout casser et veut la création de deux euros » (France Inter). Il rejoint donc le concert de la médiacratie qui caricature le Front de Gauche et son programme. Je n’ai pas confiance, même s’il vaut mieux entendre son discours que celui de la pensée unique.
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Bravo.
Il faut agir vite avant que se soit trop tard
Pierre AGUER