Babordages

Pendant qu'ils ne cherchaient pas d'alternative, nous pensions à un #PlanB.

Ceci n’est pas un juif

Publié le par dans avec 44 avis

Je devais avoir une dizaine d’années. Je faisais du judo dans un centre culturel catholique du 7e arrondissement de Paris (on n’était pas riches ; je ne sais pas comment on a atterri dans le coin). Un jour, un de mes camarades de tatami me demanda pourquoi je n’allais pas au catéchisme. Mystifié, je n’ai pas su quoi lui répondre, et me suis empressé de poser la question à ma mère de retour à la maison. « Parce que tu n’es pas catholique », m’a-t-elle répondu, information que j’ai dûment relayée lors de la séance d’entraînement suivante. « Ah bon ? Mais t’es quoi ?! » me demanda-t-on alors. Bonne question ! De retour à la maison, je demandai à ma mère ce que j’étais si je n’étais pas catholique. « Ben, t’es juif », me répondit-elle distraitement, information que j’ai tout aussi dûment relayée lors de la séance d’entraînement suivante. Lorsque plus personne ne voulait former de binôme avec moi, ou lorsqu’on m’ignorait, ou lorsqu’on me balançait des coups de pied dans les couilles, je n’ai évidemment pas fait le lien. « Je ne veux plus aller au judo ! », m’écriais-je en pleurs de retour chez moi. Ma mère ne voulait rien entendre ni céder à mon caprice, jusqu’à ce que ma véhémence finisse par l’intriguer et l’inciter à me tirer les vers du nez. Elle fit un scandale, et c’est donc ainsi que je découvris que j’étais juif et que ça ne plaisait pas à tout le monde, notamment à des mômes d’une dizaine d’années qui étaient manifestement mieux informés que moi (et accessoirement, c’est ainsi que prit fin ma carrière de judoka).

 

Where do you worship?

Une douzaine d’années plus tard, installé un peu par hasard à New York, j’ai assez vite compris que « athée » n’était pas une réponse acceptable lorsqu’on me demandait quelle était ma religion (question que l’on pose assez facilement là-bas). Après l’expérimentation de diverses tactiques—revendiquer mon athéisme, m’inventer des religions farfelues (église du rhinocéros taxidermiste, du brocoli névrosé, du saxophone ankylosé, etc.)—je me mis à répondre, de guerre lasse, que j’étais juif, pour qu’on me lâche la grappe.

Ce fut efficace, jusqu’à ce qu’on commence à me souhaiter des « Happy grurieslskurseioeirsdjkfoiqusdfqu! »

– Happy what?!

– Happy grurieslskurseioeirsdjkfoiqusdfqu!

– Er, OK, thanks…

J’ai fini par comprendre qu’il s’agissait du nom de fêtes juives dont je n’avais jamais entendu parler, ce qui était d’autant moins surprenant que je ne connaissais le nom d’aucune fête juive, en aucune langue.

 

Tante Josiane

J’avais été élevé avec zéro religion, et zéro tradition, et quand je dis zéro, je veux vraiment dire zéro : que dalle, nada, que pouic, rien de rien. Pas de coup de bistouri, pas la moindre fête, mise à part Noël. Mon grand-père paternel était un (espion) communiste juif athée dans le Berlin des années trente. Mon père est né là-bas, a fait quelques années d’école à Paris, avant de choper un des derniers bateaux pour les USA en 39, lorsqu’il avait 8 ou 9 ans, pour aller s’installer dans le New Jersey, près de New York, justement. Du côté maternel, le grand-père, juif pied-noir était magistrat je crois, à Oran en Algérie, où naquit ma mère. Visiblement pas trop de religion ou de tradition de ce côté-là non plus, pour des raisons que j’ignore, sans doute parce que je n’ai jamais posé la question.

J’ai bien une tante religieuse, mais la dernière fois que je l’ai vue, il y’a une grosse vingtaine d’années, elle m’a simplement dit qu’elle prierait pour que je n’aie pas d’enfants. Je n’ai pas tout de suite compris, puis le sou est tombé : ma moitié d’alors n’était pas juive, donc mes enfants ne le seraient pas non plus.

Peine perdue. On en a fait deux, qu’on a élevés avec zéro religion ou tradition à la maison (j’aurais été bien incapable de faire autrement, ignorant que j’étais et que je reste), mis à part un sapin de Noël annuel (d’ailleurs, je suis d’avis que la religion devrait être interdite au moins de 16 ans, mais c’est un autre débat).

 

Tribulations

Fast-forward quelques décennies années #ahem. Je discutais l’autre soir au café en bas de chez moi avec une voisine dont les parents connaissaient ma mère. Pour elle—dont seul le père était juif et qui a décidé de se convertir au judaïsme, bien que peu voire pas religieuse—ça ne fait pas un pli : je suis juif. J’ai eu beau lui expliquer tout ce qui précède, que j’y connais que dalle, que ça ne m’évoque rien en soi, même si je n’ai aucun doute que je suis juif aux yeux d’un nazi, rien n’y a fait. À peine décontenancée, elle n’en démordit pas : je suis juif #épicétou. Je lui demandai alors si de son point de vue, c’était génétique (près à lui rentrer dans le lard si elle me répondait par l’affirmative). Non plus. « La tribu » serait une notion métaphorique.

Donc si ce n’est ni une question de religion, de tradition ou de génétique, qu’est-ce qui peut bien faire que je sois juif, et surtout qu’est-ce qui pourrait faire que je me sente juif, en moi-même, en mon for intérieur ?

  • Un sens de l’humour juif ? Est-ce que l’humour de Groucho Marx et de Woody Allen est juif avant d’être autre chose ? Possible. Faut-il être juif pour l’apprécier ou s’en revendiquer ? Visiblement pas.
  • La simple solidarité entre personnes déconsidérées, maltraitées ou zigouillées parce que le hasard a fait qu’elles appartiennent à un groupe particulier, au même titre que les femmes, les homosexuels, les noirs, les arabes, ou tout autre groupe minoritaire ou dominé ? OK, mais je me sens solidaire de toutes les personnes opprimées pour ce que le hasard a voulu qu’elles fussent.
  • Le sentiment de déracinement géographique permanent ? Ça fait plus de 20 ans que je vis à Paris, mais j’ai le sentiment distinct de n’être que de passage, d’y avoir provisoirement posé mes valises. Le cliché du juif errant. Comme si l’errance et le déracinement étaient l’apanage des juifs.
  • La transmission inconsciente des blessures psychiques subies par les parents et grands-parents (thèse psychanalytique) ? Tout à fait possible, mais à nouveau une définition « négative », imposée de l’extérieur, et en rien le « privilège » des juifs. Avoir des aïeux génocidaires ne doit pas non plus être une sinécure.

Me voilà bien avancé.

 

Ornithorynque

Pour mieux comprendre mon grattage de scalp, imagine que tu sois né, je ne sais pas moi, en Australie, et que tu aies été adopté bébé par des Français. Tes aïeux sont donc sûrement des bagnards, mais tu as été éduqué à l’école de la république, tu parles donc anglais comme une vache espagnole, et absolument tout ce que tu sais de l’Australie, tu l’as appris en regardant des séries, des documentaires animaliers et le JT sur TF1, comme n’importe quel autre petit Français. Tu peux revendiquer ta nationalité australienne (je ne sais pas s’ils appliquent le droit du sol, mais admettons que oui), mais c’est une démarche juridico-administrative. Ça ne correspond à aucune réalité culturelle. Tu peux aller y vivre, en Australie, et découvrir sa culture, pratiquer sa langue, et devenir Australien pour de vrai, plus ou moins. Si tu es motivé.

Moi je ne suis pas motivé pour « devenir juif » pour de vrai. Je m’en bats les steaks. C’est comme pour le foot, je n’arrive pas à m’y intéresser, parce que fondamentalement, ça ne me fait ni chaud ni froid. C’est sans enjeu. J’ai déjà deux nationalités officielles, que je n’ai pas choisies, comme tout le monde, et je ne veux pas obtenir la nationalité ou adopter la religion ou les traditions de toutes les cultures dont j’entends parler, aussi riches et intéressantes soient-elles, y compris celles que les soubresauts de l’histoire et la haine et la folie des hommes ont été imposées à mes aïeux.

 

Entre-soi

Sans le faire exprès, je n’ai jamais mis les pieds dans une synagogue, même en tant que touriste, je n’ai jamais ressenti le moindre sentiment mystique ou religieux, y compris à la mort prématurée de mon père que j’adorais, je ne me sens pas concerné à titre personnel par ce qui se passe en Israël, où je n’ai jamais mis les pieds non plus, et dont je me sens parfaitement libre de critiquer le gouvernement d’extrême droite comme je critiquerais le gouvernement d’extrême droite de n’importe quel autre pays, comme celui de Bush aux USA, ou peut-être celui de Le Pen demain en France (même si je t’avoue que je trouve incompréhensible que des gens dont les parents ont été particulièrement martyrisés par l’extrême droite pour ce qu’ils étaient puissent être d’extrême droite et réserver le même sort à leurs ennemis). J’exècre tous les nationalismes, sans distinction, et dans n’importe quel conflit, je ne confonds pas les décisions politiques et militaires avec ce que souhaitent les peuples. Je pense surtout et toujours aux enfants qui ne sont pas responsables de la folie de leurs parents, et qui ont peur des bombes, quel que soit le côté de la barrière qui les a vus naître.

La réalité, ma réalité, est donc la suivante : je me sens selon les cas, les sujets et les jours plus ou moins heureux ou déprimé, jeune (d’esprit) ou vieux, compétent ou incompétent, érudit ou ignorant, plus ou moins vaguement franco-belgo-américano-européen. En revanche, je me sens invariablement athée et laïc, et ni juif, ni son contraire. Je n’y pense tout simplement jamais si je ne suis pas renvoyé à ma judéité par autrui ou par un événement extérieur. Je sais pertinemment que je suis juif pour les antisémites, comme pour les juifs à tendance communautariste, mais ni la haine irrationnelle des uns, ni la fraternité irrationnelle des autres n’ont réussi à m’éclairer sur ce qui me différenciait concrètement de mon voisin goy, mis à part les sentiments de haine ou de fraternité irrationnelle que je suscite, mais que je ne ressens pas spontanément moi-même.


J’ai écrit ce texte il y a quelques mois, sans la moindre intention de le publier, et j’y ai soudainement repensé à la lumière des événements récents. Car je mesure ma chance d’avoir bénéficié de feu la « laïcité à la française », et je pleure pour tous les Français d’origine arabe aussi musulmans que je suis juif, bien que renvoyés à leur musulmanité au lieu de leur humanité tout court, tant par les xénophobes et fachos de tous poils que par la gauche mieux intentionnée qui s’insurge contre la discrimination dont ils font l’objet en invoquant leur droit à la différence, en oubliant leur droit à l’indifférenciation.

À propos de sknob

Franglophone songwriter, cartoonist, translator, geek, #ronchonchon. VieuxSage, déjà blogueur au XXe siècle, je ne supporte ni l'injustice, ni la mauvaise foi, ni les gens qui réfléchissent avec le cerveau d’autrui, ni les betteraves. En revanche, j'ai un peu le melon depuis que j'ai publié un billet sur le blog de Paul Jorion. Mes camarades m'ont à l'œil.

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44 avis sur “Ceci n’est pas un juif

  1. GdeC

    Ce texte est tout bonnement excellent. j’en reviens pas. Livrer tant d’humanité, de sincérité et d’intimité en si peu de mots, pour en faire une telle leçon à l’intention des imbéciles, j’applaudis. merci beaucoup, Monsieur.

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  2. Swâmi Petaramesh

    Il en faudrait plus de comme toi, attachés à l’être et non pas à l’étiquette, c’est l’étiquette qui provoque invariablement haine et baston entre les étiquetés ceci et les étiquetés cela. Jamais l’Être. L’Être est sans étiquette et sans goût aucun pour le classement en diverses troupes et les bastons qui en découlent, inéluctablement.

    Sinon, ton texte m’apprend avec surprise que se déclarer athée ne serait pas une réponse acceptable dans la grosse pomme… ?!?

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    • sknob Auteur

      Amen.

      Et selon le Pew Research Center, les athées sont les gens les plus honnis aux USA après les pédophiles. Un peu moins pire à NYC, mais même là, il faut être prêt à susciter l’incompréhension, voire l’horreur, lorsqu’on revendique son athéisme. J’ai fini par me lasser…

      When in Rome…

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      • Lola

        J’habite dans le New Jersey et je n’ai pas souvent été dans l’obligation de décliner ma religion, mais lors des deux ans que j’ai passés à Memphis, TN, j’ai dû de multiples fois répondre à la question: « Where do you worship? » (inévitablement suivie, lorsque je restais vague, de « Come and worship at my church! You would love it! »). J’ai tout de suite compris que la pire réponse, celle qui vous vaut d’être pour toujours exclu de toute vie sociale, c’est de dire qu’on est athée. Je m’en sors le plus souvent avec « I’m not religious », ce qui semble sous-entendre que j’ai une religion (probablement catholique, puisque je suis française) que je ne pratique pas. Même ici, dans le New Jersey beaucoup plus large d’esprit que le Tennessee, il faut faire attention quand on présente son affiliation religieuse. Ne pas en avoir est pire que tout.

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  3. Chouyo

    Merci d’avoir retranscrit avec humour cette réflexion approfondie sur cet étrange fait d’être ou de ne pas être juif : question de religion, de sentiment d’appartenance ou de destin commun, de besoin d’inclure l’autre pour se protéger (comme toi on m’a déjà imposée cette appartenance « ah ben donc tu es juive » sans que je ne me sente ou souhaite l’être), de constitution d’une figure aux contours mal définis pour les antisémites, bien pratique pour accueillir toutes les rumeurs et accusations… Etre juif étonnament est presque autant comment l’autre te voit et te projette que celui que tu choisis d’être.

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  4. dedalus

    Je pourrais faire mien ce texte, l’histoire personnelle que tu y retraces, je n’aurais qu’à adapter le contexte et les détails – ce n’était pas au judo mais en colonie de vacances, je n’ai pas deux enfants mais trois, ma tante ne s’appelle pas Josiane, etc… Et puis j’insisterais juste un peu plus sur un point que tu évoques deux fois dans ton joli texte : tu n’es juif que tant que les antisémites te reconnaissent comme tel. C’est ce que je transmets à mes enfants, dont la mère n’est pas juive, qu’ils ne leur est pas possible de tout à fait ignorer que, pour des raisons d’ascendance, des bas du front pourraient à l’occasion les distinguer comme juifs.

    Félicitations pour ce texte très personnel et très pertinent. L’identité est un enfermement quand elle est dans le regard stigmatisant et réducteur de l’autre.

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  5. Petite

    Je me sens tout pareil que toi, côté islam pour moi, et je ne comprends pas cette injonction de devoir s’exprimer « en tant que » juif, musulman (j’en citerais d’autre mais c’est quand même ces deux religions qui soulèvent des questions) …

    Je suis française, bêtement et profondément française, je ne me donne aucune autre définition que celle-là et je n’arrive pas à comprendre que dans ce pays si profondément laïc, on demande à un français qui se trouve être de confession juive de « rendre des comptes » sur la politique menée dans un autre pays que le sien, ou qu’on demande à un compatriote qui se trouve être de confession musulmane pourquoi il ne se désolidarise pas de ce que font les talibans et autres tarés de la planète (??).

    Fondamentalement, je ne comprends pas qu’on demande/exige de savoir la religion de quelqu’un, ce n’est jamais innocent ni bienveillant – je fais une exception pour les USA, où c’est effectivement une question naturelle à réponse obligatoire…

    Poser ces questions, sommer son compatriote de s’expliquer sur ce que des étrangers font , c’est détruire l’essence même de ce qui fait la beauté de notre communauté française, ce peuple uni, divers auquel je suis fière d’appartenir.

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  6. Louise

    Merci pour cet article.

    C’est le thème du livre de l’israélien Shlomo Sand  »
    « Comment j’ai cessé d’être juif » , Flammarion

    On peut l’écouter :

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  7. tellinestory

    Un jour, y a longtemps, quelqu »un m’a dit qu’être juif, c’est ce qui perdurait de la question quand tout le reste avait foutu le camp! Elevée comme toi sans la langue, sans la religion, sans le lien de communauté, sans autre forme de racisme que la fascination ambigüe de certains et avec l’extrême obligeance de tout allemand que je rencontrait, j’ai fini par adopter cette réponse à cette question que je ne me pose que de temps à autre.
    je pense que ce très joli texte est réconfortant pour plein d’ornithorynques!
    Tu m’acceptes quand même dans ta bande même si j’ai un arrière-grand père juif espion anticommunisme dans la Russie de 1918?

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  8. Demontoux

    J’ai le même problème : bien du monde voudrait que je sois chrétienne. Ou judéo-chrétienne maintenant !!!
    Depuis au moins 5 générations, des gens sont enterrés civilement dans ma famille.
    Mon grand-père qui était athée est passé par l’église parce que ça rassurait ma grand-mère qui n’allait jamais elle-même à la messe.
    Pour rassurer une autre grand-mère, j’ai été baptisée, mais j’ai renié officiellement cette inscription il y a bien une trentaine d’années. L’année du Pape en France et de la réception quasi officielle. Et ce au presque soulagement de mon père à qui on avait probablement forcé le consentement.
    Ni catéchisme, ni communion ainsi que mes sœurs, mes neveux et nièces et petits-neveux et nièces. Une des petites nièces porte aussi le nom de Lévy, on ne sait pas pourquoi, de toute façon, son grand-père Lévy est un enfant adopté que personne n’a judaïsé.
    Je peux accompagner quelqu’un à l’église, au temple, à la mosquée, je ne participe pas. A la synagogue, cela ne s’est pas présenté : toux ceux dont j’ai su par hasard ou plus tard les origines n’y allaient pas.

    Malheureusement, je suis sûre d’être mise dans une catégorie. Par tous. Consciemment ou inconsciemment.
    Les religions auront décidément fait bien du mal.

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  9. Jac

    Aux USA, on n’admet pas que quelqu’un soit athée, dîtes-vous.
    Au Maroc, si, selon mon expérience.
    Au Maroc, on SAIT que bien des Français sont athées et ça ne discute pas.

    Un jour quelqu’un m’y a dit : on fera ça demain si Dieu veut.
    J’ai répondu spontanément : et surtout si on s’y met.
    Cela a fait sourire gentiment tout le monde : Ah, ces Français !
    Mais tout le monde savait que ce n’était qu’une répartie amicale et que c’était dans mon caractère de penser qu’il faut d’abord compter sur soi-même.

    Peut-être les Américains ont surtout le défaut de ne pas pouvoir admettre qu’il y a des mondes en dehors d’eux-mêmes.

    Répondre
    • sknob Auteur

      Les Américains sont des gens très pratiques et concrets. J’ai tendance à penser que la religion leur permet de combler un peu leur aliénation et leur vide existentiel, mais surtout de les déculpabiliser, de les délester de toute responsabilité quant à l’impact de leurs actions sur autrui dans le cadre de leur société régie par la loi du plus fort. Les autres sont dans la merde ? Y compris à cause de moi ? C’est comme ça. C’est la volonté divine. Et regardez comme je suis vertueux et dévot. Pratique, en effet…

      Répondre
      • Jac

        « Je suis impressionné qu’il y ait une telle incompréhension de notre pays et que des gens puissent nous détester .
        Je suis… je suis comme la plupart des Américains, je ne peux pas le croire car je sais combien nous sommes bons »
        GW Bush- Conférence de presse – 11/9/2001

        Répondre
  10. Lechevrel Marie

    J’ai vraiment apprécié ce texte et je me suis permis de le publier sur facebook. Élevée dans la tradition catholique (non pratiquante comme mes parents) je ne peux oublier, alors que j’avais 6 ans, le baptême de mon petit frère : mon père qui était professeur de judo (en 1953 ) avait choisi comme parrain, un de ses élèves et comme marraine sa femme … je ne peux oublier la tête du curé quand mon père a présenté M et Mme Grimberg, et oui, ils étaient juifs !!! Sur le moment je n’ai pas compris pourquoi le prêtre avait été offusqué et qu’il avait fallu les remplacer en urgence par ma grand-mère et mon frère aîné qui avait juste 8 ans. Mon père avait juste voulu faire plaisir à un couple qui ne pouvait avoir d’enfants …
    Maintenant, quand j’y pense, je trouve que c’était quand même une belle leçon de tolérance de la part de mes parents comme de M. et Me Grimberg ! La tolérance, çe ne s’apprend pas, ça se vit !

    Répondre
  11. Paulo

    Super texte, j’abonde à 2000%, c’est juste dommage que ce genre de considérations ne soient pas notre quotidien (et je ne dis pas « normales » parce que qu’est ce qu’on se ferait ch*** entre athé-es « on verra plus tard qui est ce qui avait raison »). Mais ça fait du bien de le lire.

    Du haut de ma pseudo culture judéo-chrétienne de pas baptiser pour un sou, j’aurai écrit la même chose avec une nuance : pour avoir vécu au Brésil là bas à la question -ultra récurrente voire constante- de « à quelle religion fait tu obédience ? » tu peux effectivement répondre – au temple des huit grenouilles noires des 143 saints en culotte de cuir. Ça suffit amplement à contenter ton interlocuteur qui normalement s’en satisfait pleinement. Voir il te demande si il pourrait pas intégrer le truc des fois que…

    Bon et pour la petite histoire, dans ton genre Primo Levi, paix à son âme, disait exactement pareil.

    Répondre
    • sknob Auteur

      Comme je le dis dans le billet, ça marchait également super bien les religions inventées avec les Américains. Mais comme tu le dis, ça suscitait enthousiasme et intérêt, donc fallait pouvoir assumer derrière 😉

      Répondre
      • Paulo

        Ahah, j’avais compris que ça les laissaient perplexe.

        J’ai moi même de la famille « judéo-américaine » -ce qui est presque une religion en soit, étant donné que ça signifie surtout qu’ils croient en un truc assez bizarroïde de nationalo-religieux (d’autant que certains sont carrément Israelo-franco-américain ce que je déplore étant donné leur peu de recul vis à vis de l’Israël où ils ne mettent jamais les pieds) et je dois dire que certains, pour ne pas dire certaines, sont effectivement assez portés sur le premier degré.

        Le Culte du Grille-Pain couleur Quiche pourrait donc tout à fait titiller leur curiosité :)

        Répondre
  12. c

    Ce texte est tout simplement parfait et décrit du manière excellente ce que je ressens également étant d’origine kurde et athée. Quand tout les gents autour de sois et les médiats (ou du moins une bonne partie d’entre eux) veuillent absolument vous mettre dans une case c’est lassant, c’est blessant. Enfin j’ajouterais qu’on a tous droit à cette fameuse droit à l’indifférenciation.

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  13. MissDC

    Merci beaucoup pour ce texte si intime. En te lisant, on se dit qu’il reste des raisons de croire en l’humanité, à défaut de croire en Dieu (ou quelque autre Déesse)…

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  14. Henri

    Merci beaucoup. Je suis également juif, athée pratiquant et le foot m’indiffère tout autant. Feu mon père que j’adorais (piouuuu) m’achetait beaucoup de BD et je me sentais plus gaulois, comme Astérix, un peu reporter international comme Tintin et j’en passe, mais certainement pas Juif.

    Répondre
  15. Log

    Ce soir tout va mal. Et pourtant…
    Hier, je lisais ton texte. Une bouffée d’air pur, une vague de fraîcheur, une madeleine de Proust. Une émotion venant au delà des mots. Fulgurante, précise. Le temp s’écoula… je réponds? je ne réponds pas? Je suis tellement bien… quelle voluptueuse gourmandise… non, allez, je garde tout cela, je m’en délecte, je laisse mon esprit vagabonder vers mon passé d’innocence, dans les limbes et me souviens de la gamine que j’étais.
    Ce soir tout va mal. Comme hier, comme demain. Je hais déjà cette année 2015. Pourquoi le plus beau métier du monde devient-il pourvoyeur de tant de tristesse et misère? J’ai besoin de respirer. Je ne résiste pas à la tentation de venir humer, envisager, retourner, ce texte et …. retrouver ma petite madeleine. Mais voilà… j’y lis tout autre chose. j’y lis le côté sombre de l’humanité, l’exclusion, la peur de l’autre, le conformisme et voilà que… Baoummmmm, je suis rattrapée par la dure réalité de ce besoin inextenguible qu’ont les individus: l’appartenance, le compromis, la soumission au groupe. Mais pourquoi bon dieu, l’appartenance implique t-elle l’exclusion?
    On choisit pas ses parents, on choisit pas ses origines. On ne choisit que de les aimer et d’être aimés.

    Moi vois-tu, je ne suis pas juive. C’est bien pire. Je suis fille de militaire. Fille de Général. Crois-le ou pas, mon enfance a connu les mêmes exclusions dans les banlieues rouges de mon enfance. Et pourtant, mes parents, des amours de parents, m’ont transmis le goût de la justice, de l’égalité des chances, de l’égalité des droits, de l’accueil, du partage… Je n’ai compris mon « état » qu’à ‘école. « Veuillez indiquer la profession de vos parents ». Aille aille aille. J’ai vite compris que « fille de fonctionnaire » passait mieux.
    Puis, je la fais courte… j’ai grandi, j’ai monté ma boîte. Aille aille aille, « salope d’entrepreneur » alors que j’aurais pu lêcher le sol pour que cela marche et que je puisse payer le salaire de mes salariés. J’ai vendu. Me suis retrouvée mère au foyer. Aille aille aille. Ces femmes entretenues…. J’ai retravaillé…. Aille aille aille, mais pourquoi elle est montée si vite dans la hiérarchie? Elle a couché? Alors je me suis engagée dans la vie de ma cité. Aille aille aille… elle est élue et se permet de parler à l’opposition? C’est une traitre. MMMMEEEEEEERRRRDDDDE!
    Aujourd’hui est une mauvaise journée. Mais je relis ton texte et je pleure de joie. Enfin, enfin… je ne suis pas toute seule alors?

    Répondre
  16. Mohamed

    J’ai vécu la même chose que ce que vous racontez au début de votre très beau texte: dans les années 1960, en banlieue parisienne, après une leçon d’histoire portant sur la Saint-Barthélémy, mes camarades de classe m’ont demandé si j’étais catholique ou protestant. Comme je n’en savais rien, j’ai demandé à mon père, qui m’a alors appris que nous étions musulmans, mais non pratiquants… Aujourd’hui et plus que jamais, l’athéisme me va comme un gant. Il y a peu, ma fille a dit à une camarade qu’elle avait des origines arabes (et italienne…): « est-ce que tu pratiques? » lui a demandé cette camarade ! Encore merci pour votre témoignage, dans lequel j’ai retrouvé bon nombre de mes cheminements et interrogations. J’ose encore croire en l’unicité du genre humain, riche de toutes ses différences….

    Répondre
  17. sknob Auteur

    Je l’ai déjà dit plus haut mais je me répète : merci, merci, merci pour tous vos commentaires, drôles ou tristes, émouvants ou rageants…

    <3

    Répondre
  18. Paul

    Beaucoup aimé aussi. Je suis moi de pratique catholique et originaire de Tunis. Dans ma famille un sentiment de respect pour les juifs que l’on considérait comme plus intelligents et plus cultivés que la moyenne. Professionnellement un de mes grand pères avait beaucoup de clients et d’amis juifs. Du point de vue de la religion j’ai de l’affection et du respect pour le judaïsme que je considère comme la racine et l’origine de ma foi. Et plus largement je considère que ce qui prime est le comportement de chacun, la religion ne donnant qu’une responsabilité supplémentaire liée au discernement. Le religieux qui a des outils conceptuels pour l’aider à distinguer le bien et le mal est spécialement coupable lorsqu’il commet le mal. Comme catholique je considère que l’expression ultime de la foi en Dieu (s’il existe ) est l’amour des autres, et que cette faculté appartient à tout être humain sans exception. Du coup la fréquentation de textes et de rites peut aider à cela mais n’est pas un but en soi. Le vrai religieux est juste celui qui se sent responsable des autres et en prend soin autant qu’il peut .

    Répondre
  19. Mia-

    J’ai lu ce texte, partagé par un contact, avec un grand plaisir il y a quelques jours.; aujourd’hui j’ai passé environ une heure à rechercher où j’avais bien pu le voir, pour pouvoir le partager. Et je pense que j’aurais fréquemment l’occasion de le citer ou de le montrer.

    Double merci, donc, de l’avoir écrit: car en le recherchant, j’ai pu constater combien ce témoignage spécifique était unique. (ou très très mal référencé par les moteurs de recherche)

    Répondre

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