Je vœux
Si tu me lis, tu sais que je suis un bâtard culturel, principalement franco-américain. À ce titre, et dans le cadre de ce que je fais pour « gagner ma vie » (sinon, je la perdrais, tu vois ?), je lis parfois des blogs américains centrés sur les nouvelles technologies. (Il paraît qu’il n’y a pas de sot métier. Ça se discute).
Or, je suis récemment tombé sur ce billet, dont je souhaite te parler. La mentalité qu’il véhicule n’a rien d’extraordinaire dans le milieu dont elle est issue.
L’article, intitulé « I Want », dresse un inventaire de ce que voudrait veut l’auteur, dans l’absolu, à l’avenir, dans l’existence. La meilleure façon de prédire l’avenir, dit-il en préambule, est de partir du désir.
Puis il se lance dans sa liste de vœux. Il veut :
- Un système qui scanne en permanence son corps et l’avertit s’il est malade, ou s’il est prédisposé à certains maux, puis qui lui dise ce qu’il peut faire pour se prémunir.
- Une pilule à prendre tous les matins qui restreint la capacité de son corps à métaboliser plus de calories que nécessaire, et lui permet d’évacuer les produits chimiques nocifs contenus dans la « junk food » et les calories superflues.
- Qu’un trajet entre New York et San Francisco soit aussi anodin qu’un trajet en métro, et ne coûte pas plus de $100 [et, ajoute-t-il, qu’il ne soit pas nocif pour l’environnement]
- Que les aliments frais le restent dix fois plus longtemps qu’actuellement. Que leur processus de décomposition soit ralenti par un mécanisme quelconque [OGM ?].
- Que les produits de consommation de masse soient fabriqués localement [bien] à la demande et en temps réel dans des entrepôts sans humains par des robots [euh…].
- Que les médecins soient remplacés par des robots, que le corps humain soit traité médicalement en tant que machine par des machines.
- Pouvoir commander un tube de dentifrice ou un sandwich et qu’il soit livré sous dix minutes par un engin volant (ou à la rigueur par une imprimante 3D).
- Des hôtels de luxe qui exploitent les technologies si efficacement que les nuitées ne dépassent pas les $100, « même à Londres ».
- L’accès pour tous aux « concierges » à bas prix : entraîneur, styliste, nutritionniste, assistant et infirmière personnels joignables à tout instant.
- Un accès à Internet illimité [oui, ça, c’est utopique aux USA].
- Que tout dans la vie soit connecté à et enrichi par Internet pour, je cite, « améliorer mon bonheur et mon confort ».
- Des centrales nucléaires ou autres technologies propres [sic] pour alimenter le monde en énergie. Et enfin…
- Un écran implanté dans sa rétine, qui fournisse au cerveau des informations qu’il n’est pas conçu pour traiter, afin de prendre de meilleures décisions basées sur des faits objectifs, etc.
J’ai synthétisé. Va lire dans le détail si tu spiquinne gliche.
Ce billet a reçu 1715 « kudos » sur le blog qui l’héberge, et je l’ai découvert lorsqu’il a été relayé par un des éditocrates les plus influents de la (blogo)sphère Apple (il a 280 000 followers sur Twitter, pour te donner un ordre de grandeur). « Si tu vas rêver, autant rêver en grand », commente-t-il.
(Pour info, dans un autre billet récent, notre « Macocrate » s’extasie de ne plus payer que $1000 par mois de couverture santé, grâce à Obamacare, contre $1500 auparavant. Je te dis ça pour que tu comprennes que pour les USA, c’est plutôt un type progressiste, presque un « gauchiste »…).
Alors soyons honnête. L’auteur du billet, dont je n’avais jamais entendu parler, blogue à propos des nouvelles technologies, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas d’autres intérêts dans l’existence. Après tout, ce n’est pas parce que nous bloguons politique sur Babordages qu’on n’aime pas l’art, la littérature, la photo, le vin, la bière, les enfants (à manger), les chats, les chiens, les éléphanteaux, les orangs-outans ou encore le ukulele.
Mais tout de même. Je ne crois pas que ce ne soit que mon âge qui fasse que cette liste, et la mentalité pourtant « éclairée » qui la sous-tend me révulsent et me remplissent d’effroi, tout gique que je suis.
Je ne vais pas élaborer. Lis #LeFeuilleton depuis le début pour en savoir plus si mon avis personnel t’intéresse à ce point.
Je voulais juste que tu saches que cette mentalité est représentative de celle des élites technologiques éclairées qui dessinent le monde de demain, guidées par leurs désirs et leurs fantasmes nombrilistes de privilégiés (gâtés pourris) nourris à la mamelle de Star Trek, Star Wars et des success-stories de la Silicon Valley, désirs et fantasmes qui deviendront les tiens, que tu puisses te les payer ou que tu doives t’abrutir toute une vie pour ne pouvoir qu’à peine en humer l’odeur.
Qu’il y a #PlanB et #PlanB…
Je ne dis pas que sous certaines formes, je n’intégrerais pas certains aspects de certaines aspirations dans les tréfonds de ma propre liste de vœux.
Mais tout de même. Dire de ces élites éclairées qu’elles « rêvent grand » ? Je trouve au contraire qu’elles rêvent tout petit petit rabougri rabougri.
Car sans même s’embarrasser de considérations philosophiques ou existentielles, imagine un instant si toute cette puissance intellectuelle et matérielle était focalisée sur…
Pierre Rabhi : « le superflu est sans limite alors qu’on n’assure pas l’indispensable » http://t.co/jEShi3D7S4
— Reporterre (@Reporterre) 29 Décembre 2013
Mots-clés : LeFeuilleton, Technologie
Guiqu’on dit ! … pagique ! Guique !
sinon, voui, effrayant, étriqué… Ce post-humanisme (trans-humanisme, disent ses plus vaillants défenseurs – quasi toujours libertariens, et ultra-top-mega-neo-cons, d’ailleurs) ce post-humanisme est pour moi (et c’est déjà beaucoup) la preuve que l’espèce humaine est arrivée (largement) au terme de son évolution.
.. Et non, vraiment, je ne trouve pas ça du tout dommage !!
(J’aime manier maladroitement et grandiloquemment de grands concepts fumeux, le matin au réveil, ça remplace avantageusement l’odeur du napalm….)
T’as vu ? y a une balise « acronym » sur grandiloquemment » ! 😉
Balèze, la balise !
Gueux te gure que gai rencontré un type qui dit gique. Gant suis pas encore revenu.
Ah ben grotte, alors !