Salut à toi, Ô squatteur ! par Vogelsong
« L’amour c’est bien plus important que tout. » Un activiste pendant l’expulsion.
Qu’est-ce qu’occuper un logement, un lieu, en s’opposant au sacro-saint droit de propriété ? Qu’est-ce que, au risque d’innombrables ennuis, braver l’un des tabous de nos sociétés urbaines et atomisées ? En changeant les règles, et en cherchant une autre manière de vivre. Simplement.
Marie Maffre a suivi pendant 2 ans avec sa caméra bienveillante les activistes de « Jeudi-noir ». Elle nous offre une aventure urbaine aux confins du légal, aux sources du légitime. Alors que 2,4 millions de logements sont vacants, la société (et ses pouvoirs) tolère, accepte même, que d’innombrables êtres humains vivent dans la rue.
« Ainsi-squattent-ils » montre qu’occuper un lieu vacant ne s’improvise pas. Et qu’outre les repérages, et l’installation, le processus de squat est une lutte incessante contre la Justice. Une lutte faite de médiations avec les pouvoirs publics et les propriétaires, d’actions symboliques, de résistance face aux CRS. Qu’être activiste de terrain c’est un tombereau d’emmerdements dont on n’a pas conscience. Sachant qu’à l’issue, inéluctablement, il y aura l’expulsion.
Mais bien au-delà, c’est une équipée humaine que nous propose Marie Maffre. Avec une mosaïque de personnages dont on devine les motivations paradoxales. Changer la société, et son mode d’habitat, s’accrocher à un logement parce que l’on est sans ressource tout en poursuivant une trajectoire individuelle, ou vivre une expérience communautaire (avec ses exaltations et ses douleurs). Comme le martèle maladroitement un activiste « Ca fait sens » sauf qu’il ne trouve pas la façon d’expliciter ce sens, tant les données de la situation sont complexes et les motivations des protagonistes sont disparates. Ainsi, le documentaire trouve son véritable intérêt, au-delà de la survie en milieu urbain hostile, il en va simplement de la vie. Dans la façon de s’organiser et d’humaniser les cliniques open-space d’une compagnie d’assurance. Dans la préparation d’un tiramisu existentiel, de récurer les chiottes longtemps abandonnées ou pire, de subir l’implacable regard du bérurier parisien mettant l’accent sur la valeur mobilière du bien squatté, comme s’il s’agissait d’un crime inqualifiable.
Du rire aux larmes (de lacrymos), « Ainsi squattent-ils ?» est un film de cinéma, un objet politique, subjectif et jubilatoire.
« Ainsi squattent-ils » le 5 juin dans les salles sombres.
Mots-clés : Billet Invité, Cinéma