Autruche ? Autruche.

Ta gueule, Tartempion !, écrit à la va-vite sur un coup de tête, a rencontré un certain écho dans la touittosphaire, et m’a valu d’être (indirectement) traité d’autruche par le Sieur @Vogelsong.

Il a parfaitement raison. Je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles sommes tous des autruches.

D’ailleurs, je te propose ce petit aphorisme de derrière les fagots :

De nos jours, on peut tout voir et tout savoir, donc on ne peut pas tout voir et tout savoir.

Bien obligé de faire un tri.

Il paraît qu’il y a eu des jeux olympiques l’année dernière. J’étais sous mon pommier, sans télé ni radio, et j’ai « miouté » tous les hashtags Twitter associés. J’en ai ainsi à peine entendu parler, et je n’en ai pas vu une seule image, fixe ou animée. Pareil pour Rolland-Garros, le foot, le rugby, le basket, le hockey sur gazon, le water-polo, le mini-golf, le curling, le cricket, le ping-pong, la pétanque ou le ballon prisonnier.

Je vis dans un monde artificiel dans lequel le sport n’existe pas.

\o/

Autruche ? Autruche.

Un autre exemple personnel. Je ne regarde quasiment jamais la télé, je n’écoute pas les radios commerciales (et j’ai fait mon deuil de la matinale de France Inter cette année), AdBlock est le premier logiciel que j’installe sur un ordinateur, et je travaille de chez moi. Du coup, les seules pubs que je vois sont celles qui ornent les abribus et les kiosques à journaux (je ne prends que très rarement le métro).

Je vis dans un monde artificiel dans lequel la pub n’existe presque pas.

\o/

Autruche ? Autruche.

Tiens, sous le précédent quinquennat, ma timeline Twitter était beaucoup plus variée qu’aujourd’hui. Mais la primaire du PS, les élections successives et les virages à 180 degrés ont à terme eu raison de ce bel œcuménisme.

Autruche ? Autruche.

Je connais et je fréquente même des gens beaux, intelligents et cultivés qui ne mettent jamais les pieds sur les rézosocios. JE TE JURE !

Autruches ? Autruches.

Il faut dire que l’exemple vient d’en haut. Nos dirigeants politiques et nos capitaines d’industrie, soutenus par nos vaillants journalistes assis et autres éditocrates chiens de garde, font comme si le système qu’ils ont appris à gérer ou à commenter existait encore et était encore viable. En outre, tous font comme si la droite était encore républicaine, la gauche de gouvernement encore de gauche, la gauche de la gauche un ramassis de dangereux extrémistes révolutionnaires mangeurs d’enfants, et le FN un parti fréquentable. Ce faisant, ils renforcent la dissonance cognitive que ressent plus ou moins consciemment, c’est mon hypothèse, la majorité de nos concitoyens, déjà échaudée par la discordance entre les paroles et les actes de nos élus depuis plus de 30 ans.

Autruches ? Autruches.

Mon déni de réalités [sic] ne doit pas être si éloigné de celui qui pousse de plus en plus de gens à se détourner, lassés ou dégoûtés, de la politique.

Après tout, nos oligarques n’en finissent pas de crever le plancher de la bassesse, bien qu’il faille leur reconnaître un talent fou pour tomber toujours plus bas qu’anticipé. Le souligner et le dénoncer ici et ailleurs permet de mettre en lumière ce phénomène aussi fascinant qu’inquiétant, de se défouler un peu, ou de se rassurer en partageant sa peur, sa stupeur ou sa fureur avec autruches autrui. Je ne m’en prive pas, mais c’est potentiellement un boulot à temps plein !

Or, rien de tel qu’une coupure forcée (en l’occurrence, trois semaines de boulot en Californie), pour s’apercevoir que le monde n’arrête pas de marcher sur la tête (dans le sable) lorsqu’on n’est pas là pour s’en lamenter.

Certes, faire l’autruche est parfois une paresse, une lâcheté, une fuite, qui peut entériner un statu quo malsain voire mortifère.

Mais c’est aussi parfois une nécessité si l’on souhaite prendre de la distance et disposer du temps et du recul nécessaires pour penser et imaginer, mûrir et mettre en œuvre les #PlanB dont nous avons si urgemment besoin.

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